AU SOMMAIRE DU DOSSIER
Formation digitale : Les seniors se lancent dans le numérique
Rencontre avec Oldyssey : Comment vieillit-on ailleurs dans le monde ?
Seniors : Quand le service civique déclenche des vocations
Les villes veulent réinventer les lieux de vie des seniors
Santé : 40 % des seniors hospitalisés le sont pour dénutrition
La meilleure façon de vieillir
La population française vieillit. Bonne nouvelle ! À condition de vieillir en bonne santé. La prévention des maladies liées au vieillissement, le maintien à domicile et la persistance de liens familiaux et sociaux y contribuent efficacement.
Par Dominique LATIER
Un véritable pavé dans la mare. C’est ce qu’aura été, fin janvier, la parution du livre Les Fossoyeurs. Rien à voir avec un polar de Chester Himes, pourtant le journaliste qui en est l’auteur, Victor Castanet, n’en verse pas moins dans le sordide et l’insupportable. Dénonçant après trois ans d’enquête la gestion du groupe Orpéa, acteur mondial de la prise en charge de la dépendance des personnes âgées, à la tête d’un immense réseau de maisons de retraite et de cliniques. Une gestion et des pratiques qui, dans le livre, se traduisent par de graves maltraitances envers les résidentes et résidents.
Ce n’est pas la première fois que des gestionnaires d’Ehpad sont montrés du doigt en France, ce qui laisserait entendre que le cas Orpéa n’est pas isolé, mais semble plutôt systémique dans ce secteur qui, depuis le changement de statut des maisons de retraite médicalisées pour personnes âgées dépendantes en Ehpad en 2002, a attiré plus d’investisseurs privés que publics.
Il faudrait « que le nombre de places en hébergement permanent en établissements pour personnes âgées augmente de 20 % d’ici à 2030 et de plus de 50 % à l’horizon 2050 ».
Insee
Les plus de 75 ans presque deux fois plus nombreux dans 30 ans
Le vieillissement de la population n’est pas un phénomène nouveau. Selon un rapport de l’Insee paru en novembre 2021, d’ici à 2050, le nombre de personnes âgées de 75 ans et plus augmentera de 5,7 millions ; on en compte 6,65 millions aujourd’hui.
Toujours selon l’Insee, la France compterait alors 4 millions de seniors en perte d’autonomie, soit 16,4 % des personnes de plus de 75 ans. Pour les accueillir, il faudrait d’après l’institut « que le nombre de places en hébergement permanent en établissements pour personnes âgées augmente de 20 % d’ici à 2030 et de plus de 50 % à l’horizon 2050 ».

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L’inversion progressive mais de plus en plus accentuée de la pyramide des âges ne constitue pas un défi nouveau, mais il est d’ampleur, à la fois social, économique et sanitaire, et implique tout autant des décideurs publics que privés.
Une multitude d’enjeux et d’acteurs
Quand on regarde de près la multitude d’acteurs impliqués, on ne peut être qu’impressionné. L’État, les Départements, les communes ou leurs regroupements, les établissements hospitaliers publics et privés, les structures d’hébergement, les caisses de retraite, les agences de santé, la sécurité sociale avec la Cnav, la filière du bâtiment et de la construction, celle de l’équipement de la maison comme celles des aides à la personne ou du tourisme…
Malgré les écarts constatés chez Orpéa, on est loin de pouvoir dire que rien n’est fait pour les seniors. Le problème serait plutôt que, face à des dispositifs et acteurs pléthoriques, on s’y perd.
C’est en tout cas ce que relevait en novembre la Cour des comptes dans son rapport sur la prévention de la perte d’autonomie chez les personnes âgées, estimant que « la dispersion des intervenants prive de ses effets opérationnels une politique pourtant consensuelle sur le fond ».

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Cette dernière repose avant tout sur la prévention pour vieillir plus longtemps en bonne santé et sur le maintien à domicile. Pour cela, la meilleure façon d’avancer pour les décideurs concernés est sans doute de marcher ensemble. C’est l’esprit cluster, avec le développement de projets partenariaux portés dans le pôle d’innovation Silver valley ou dans les sept gérontopôles que compte le pays.
« Notre vocation est de rapprocher experts et professionnels de domaines variés, de sensibiliser aux problématiques du vieillissement, mais aussi de valoriser les différentes actions et initiatives régionales favorisant le bien vieillir. L’objectif est d’accompagner la mutation de la société et d’anticiper ses changements. Le Gérontopôle permet à des acteurs de se rencontrer, de réfléchir aux évolutions et adaptations possibles, voire de constituer des partenariats pour innover », explique Valérie Egloff, présidente du Gérontopôle de Normandie.

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Besoin d’informations pour bien vieillir
L’innovation pour mieux accompagner les aînés et retarder les processus du vieillissement a donné naissance à une véritable filière industrielle et de services : c’est la silver économie.
Mais ses ramifications sont multiples. À partir de quel âge devient-on senior ? Une étude de la fondation Notre temps montre qu’à 50, 60, ou 75 ans, on se sent toujours 10 ans de moins que son âge réel. Nonobstant ces considérations, on voit bien qu’en fonction des tranches d’âges, les besoins et les attentes varient. Le regard des institutions aussi.
Pour les collectivités locales ou l’État, on le devient à 60-65 ans parce que c’est l’époque de la retraite ; pour la SNCF, c’est 60 ans, l’âge de la carte »Avantage senior » ; pour les médecins, les seniors, ce serait plutôt le grand âge, à partir de 75 ans, parce que les accidents de santé qui handicapent la vie commencent à survenir à cet âge-là, par exemple les problèmes de chutes et la dénutrition.

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Mais le Crédoc met tout le monde d’accord au moins sur un point : « Dans l’esprit de la population, avoir des liens affectifs forts et rester à domicile sont des prérequis incontournables pour bien vieillir. Les seniors sont en attente d’informations sur la prévention pour maximiser leurs capacités, en particulier pour entretenir leur mémoire et leur capital intellectuel ».
Ces attentes ainsi exprimées ne sont pas dénuées de bon sens. L’affect, les liens sociaux, les activités physiques et culturelles sont essentiels au retardement des effets du vieillissement.
Des initiatives locales
Qu’elles viennent des collectivités ou de particuliers, les initiatives ne manquent pas. De nombreuses communes (ou leurs regroupements), seules ou avec le concours d’associations, organisent des systèmes de portage de repas à domicile, l’opportunité pour la personne âgée dans l’incapacité de cuisiner d’échanger quelques paroles, et surtout de se nourrir de manière équilibrée.
D’autres, et elles sont de plus en plus nombreuses, attribuent à des âges variant d’un territoire à l’autre, un pass culture sur le modèle de celui distribué aux jeunes. D’autres encore ont recours au Service civique solidarité seniors pour lutter contre l’isolement.
L’association Les Astroliens lutte, elle, contre la fracture numérique en dispensant des formations aux aînés peu à l’aise avec les nouvelles technologies. Créée il y a 5 ans, elle a rapidement étendu son réseau sur presque tout le territoire national, permettant aux anciens de rester en contact avec leur famille, d’effectuer des démarches administratives ou des achats en ligne, d’être présents sur les réseaux sociaux.
Et puis, il y a ce petit bijou d’amour et d’empathie, le média Oldyssey, créé par deux jeunes gens très proches de leurs grands-parents, qui met en ligne des vidéos donnant la parole à des retraités. « Elles et ils y parlent des préoccupations de leur génération et expliquent aux gens de leur âge comment se servir du numérique », raconte Julia Mourri, la cofondatrice.
La baseline de la plateforme Oldyssey est : « Ce que les vieux de la vieille ont à nous dire ». Et si on les écoutait ?