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Face au retour de l'obscurantisme religieux et politique, bâtir un nouveau siècle des Lumières

La rédaction
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Publié le 28 mai 2021

S’il fallait nous en tenir aux débats actuels, presque exclusivement axés sur les problèmes de sécurité et d’identité, il deviendrait vite impossible d’ouvrir la moindre perspective d’avenir. Outre que ces controverses éludent les grandes questions sociales et économiques, elles poussent chacun dans ses retranchements et figent les positions dans un face-à-face stérile et dangereux. Pour comprendre cette évolution, il faut revenir un peu en arrière et avoir en mémoire la querelle idéologique née aux États-Unis au début des années 1990. Après l’effondrement du bloc soviétique, deux visions de l’avenir s’affrontent : l’une, dans les pas de l’économiste américain Francis Fukuyama, prophétise « La Fin de l’Histoire » et la victoire définitive du capitalisme et des démocraties libérales ; l’autre, théorisée par un professeur de Harvard, Samuel Huntington, proclame le « Choc des civilisations ». Ce dernier considérant à l’inverse du premier que la chute du régime soviétique n’annonce pas la paix, mais la résurgence d’autres types de conflictualités, non plus fondées sur des systèmes socio-économiques divergents, mais sur le combat de cultures issues des différentes régions du monde.

Dans les faits, l’impossibilité de bâtir un monde apaisé, dès lors qu’il demeure perclus d’inégalités, donnera raison au second. La violence et les effets néfastes de la mondialisation sur les classes moyennes et populaires du monde occidental ont depuis généré un repli généralisé et la résurgence des peurs. D’autres régions, conscientes de l’affaiblissement du modèle occidental, ont relancé la promotion de régimes religieux comblant le vide laissé par le conflit historique entre l’Ouest et l’Est. La théocratie plutôt que la démocratie. Ainsi, nous sommes-nous trouvés pris en étau entre deux propositions, l’une ultranationaliste, l’autre religieuse et protofasciste. Deux modèles qui se détournent radicalement de ce qui constitue pourtant le cœur de notre civilisation et de notre identité : les Lumières et leur héritage. Parce que les démocraties libérales se sont largement discréditées en ouvrant les vannes d’un capitalisme prédateur, elles se retrouvent de plus en plus rejetées par les peuples. Reste à savoir ce qui pourrait encore faire ciment quand tout universalisme est devenu suspect et que les prétentions du droit à la différence ont tendance à annihiler les efforts pour bâtir un projet collectif.

Croire encore au progrès

C’est du côté de ceux qui défrichent et tentent de comprendre de quoi pourrait être fait demain qu’il faut sans doute regarder. Car si les Lumières et la Raison constituent les fondements les plus solides de notre histoire commune, il convient de confronter leurs promesses faites il y a plus de deux siècles, avec la réalité d’aujourd’hui. Dans un remarquable ouvrage intitulé Les Lumières à l’âge du vivant, la philosophe Corine Pelluchon réalise un double travail d’inventaire et de prospective. Si nous devons reprendre l’héritage, meilleur rempart contre les régimes liberticides qui se profilent, nous devons l’éclairer des enjeux contemporains. Inutile de reprocher à Voltaire d’avoir négligé la question écologique ou à Condorcet d’avoir sous-estimé les méfaits possibles de la science avec la manipulation du génome humain ou la fission de l’atome, puisque ces phénomènes étaient de leur temps impossibles à concevoir. Par contre, n’est-il pas pertinent de nous interroger, à l’aune de ces nouvelles connaissances, pour savoir ce que pourraient être de nouvelles Lumières? Elles seront radicalement écologiques, prévient Corine Pelluchon, et doivent prendre en compte l’ensemble du vivant. Plus loin, l’économiste Jacques Attali nous met en garde : la Raison, socle indispensable, ne peut pas tout, nous devons la mettre au service des mystères de la vie et de l’esprit, et de plaider pour un « altruisme intéressé ». Souvent moins relayés que ceux qui nous annoncent la catastrophe chaque jour, ces intellectuels bâtisseurs ont en commun de croire encore au progrès et de refuser le fatalisme. De quoi régénérer une pensée politique qui en a bien besoin.

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