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Le livre et les territoires : une belle histoire à préserver

Créateur de 80 000 emplois — 1/5 du secteur culturel — le livre bénéficie d’un regain de force et de jeunesse dans les territoires.
La rédaction
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Publié le 17 mars 2023
Dossier réalisé par Marie-Pierre VIEU-MARTIN

Au cœur de la crise du Covid, le livre s’est imposé comme un produit de première nécessité. « Les mots possèdent ce prodigieux pouvoir de rapprocher et de confronter ce qui, sans eux, resterait épars dans le temps des horloges et l’espace mesurable », analysait l’écrivain Claude Simon. Les Français plébiscitent les librairies de proximité qui apparaissent comme des trésors inestimables. En 2021, le chiffre d’affaires du livre a explosé, dépassant les 4,5 milliards d’euros (+ 18 % en un an), et si l’année 2022 montre un léger tassement (– 2 %), il est d’abord dû à l’inflation galopante des prix et à la pénurie de papier.

Une autre donnée importante réside dans la part croissante prise par les collectivités, et tout particulièrement par les régions, en matière de dynamisation et de mise en cohérence de la filière. Interrogée sur le sujet, Cécile Jodlowski-Perra, directrice d’Occitanie Livre & Lecture, résume ainsi les objectifs de son action : « Pas de rupture territoriale, pas de rupture sociale, le livre accessible en tout point du territoire. » Elle parle du besoin de travailler à un maillage de la région offrant une complémentarité public privé qui passe par la mise en réseau des bibliothèques publiques, un soutien renforcé aux librairies, une juste prise en compte de la multiplicité des acteurs indépendants. Elle évoque des partenaires de tailles variables, par exemple les 280 structures et 307 salariés qui constituent l’édition et dont l’équilibre comptable repose d’abord sur un engagement citoyen, bénévole ou semi-professionnel. « Ce serait une erreur d’opposer l’édition parisienne à ces presque 300 éditeurs de la région », poursuit la responsable de l’agence, rappelant tout ce que cette nébuleuse du livre constitue comme plus-value dans les rapports sociaux, l’activité locale et même comme poumon économique.

Les français plébiscitent les libraires de proximité qui apparaissent comme des trésors inestimables

Développer les réseaux partout sur le territoire

Les récents propos de la ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak, convergent avec cette analyse. Dans le budget 2023 ont été octroyés au livre 304 millions d’euros supplémentaires pour des dotations renforcées aux préfectures et œuvrer au développement des réseaux de librairies, bibliothèques et maisons d’édition en territoires. Rue de Valois, on parle du besoin de « mieux articuler cette action avec les collectivités locales, de mutualiser les moyens et les expertises. » À cela s’ajoute la volonté de favoriser la lecture des jeunes avec notamment la proposition d’instaurer des résidences d’auteurs dans les écoles.

Une économie concentrée et financiarisée

Ce faisant, l’action des pouvoirs publics se heurte à une économie du livre qui se concentre et se financiarise de manière exponentielle dans sa diffusion et sa distribution. Les deux premiers groupes — Hachette et Editis — totalisent 35 % des ventes de livres tandis que les douze premiers éditeurs représentent près de  80 % des ventes. Le mouvement n’est pas neuf, certes ; l’est en revanche la préemption de la filière par des colosses de l’industrie. « On assiste à une captation de valeur considérable, au sein d’une même entité, de toute la chaîne du livre, du processus éditorial jusqu’au lecteur », expliquait en mars 2022 l’ex-ministre et présidente du directoire d’Actes Sud, Françoise Nyssen, réagissant au séisme de la fusion du groupe Bolloré propriétaire d’Editis avec le groupe Lagardère (Hachette). Épinglé par la Commission européenne pour entrave à la concurrence, le projet a dû être abandonné dans sa forme initiale, mais ses objectifs persistent et la menace reste entière. Elle est vécue comme une attaque frontale aux moyens et petits éditeurs, exacerbant la mise en concurrence des librairies avec les grandes surfaces, poussant à la « bestsellerisation » des auteurs. Elle constitue une dangereuse entrave à la liberté de création, à la diversité des titres, remettant en cause la pérennité de la filière dans sa biodiversité.

Le ministère vient d’ailleurs de lancer un questionnaire en ligne pour « une actualisation de l’état de connaissances à l’échelle nationale », notamment face à ce phénomène de concentration. Un état des lieux, pour que la puissance publique prenne toutes ses responsabilités face au danger ? Rien n’accrédite en tout cas cette hypothèse. De plus, face à l’inflation, certaines régions et EPCI font le choix de recentrer leurs dotations sur des budgets plus « régaliens » au détriment de la culture. Pendant ce temps, heureusement, petits éditeurs, auteurs, librairies, bibliothèques et médiathèques continuent à faire assaut d’imagination pour donner un supplément d’âmes aux territoires.

Occitanie : première convention-cadre pour la filière du livre

Un nouveau contrat de filière, doté de 660 000 euros par an, a été contracté en novembre dernier entre la région, le Centre national du livre (CNL) et la DRAC,
qui scelle l’ancrage durable du secteur. Avec un chiffre d’affaires de 81,6 millions d’euros pour la branche librairie, 307 emplois salariés dans les structures d’édition, 1 284 bibliothèques et points lecture, sans omettre ses 1 170 auteurs, le livre en Occitanie affiche déjà une bonne mine. Mais sa santé repose sur des bases et des structures de tailles et viabilité variables, qui demandent à être renforcées.  « en structurant le secteur dans la proximité », commente la direction d’Occitanie Livre & Lecture. Dans la convention sont affirmés les objectifs de développement et pérennisation de la filière, de maillage des territoires en tenant compte de leur diversité, et enfin de l’élargissement du lectorat. Parmi les mesures symboliques figure l’expérimentation d’un dispositif de soutien à la présence d’auteurs en librairie.

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