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Yanis Varoufakis « Le capitalisme a été tué par le capital »

Yanis Varoufakis est économiste. Il a été ministre des Finances de la Grèce, de janvier à juillet 2015, dans le gouvernement issu de la gauche radicale et du mouvement Syriza dirigé par Alexis Tsipras, en pleine crise de la dette publique grecque. C’est à la fois en universitaire et en homme politique qu’il analyse la mutation du capitalisme liée à l’économie digitale. Et les erreurs de l’Union européenne dans ce nouveau contexte.
La rédaction
Dominique SICOT, Pavlos KAPANTAIS
Publié le 18 juin 2025

 Dans votre dernier livre Les nouveaux serfs de l’économie, vous introduisez les concepts de « techno-féodalisme » et de « cloud capital ». Que recouvrent-ils ?

Yanis Varoufakis : Tout d'abord, rien qu'au titre, il est évident que mon hypothèse de travail est provocante ! Mon but, c’est de convaincre le lecteur que, comme au XVIIIe siècle, l'humanité a subi une grande transformation qui l’a menée d'un système, que nous avons appelé plus tard féodalisme, vers le capitalisme, nous sommes aujourd’hui passés du capitalisme à quelque chose de systémiquement différent. Il ne s’agit pas juste d’une autre expression ou variante du capitalisme, même si celui-ci a subi au fil du temps nombre de transformations internes. Ici, nous avons un paradoxe historique : le capitalisme a été tué par le capital. Mais si vous y réfléchissez, les virus les plus toxiques sont ceux qui n’arrivent pas à survivre, car ils sont si toxiques qu’ils tuent l'organisme dans lequel ils vivent. Mon hypothèse de travail est que, pour la première fois dans l'histoire, le capitalisme est passé par un processus de mutation.

Le capital a toujours évolué à partir d'outils simples, d’une enclume, d'un marteau, d’une charrue… dont on a fait les moyens de production. Si vous comparez une enclume à un robot industriel qui assemble des Tesla, des Volkswagen ou autre, ils ont l'air de choses très différentes, mais sur le plan conceptuel, c'est la même chose : ce sont des moyens de production.

Avec l’évolution qui a conduit à ce que j'appelle le « Cloud Capital » (il montre son téléphone portable), le capital a muté vers une nouvelle forme qui n'est plus un moyen de production. Il est bien plus que cela. Il n’a pas seulement de nouvelles propriétés [comme un robot industriel par rapport à une enclume, NDLR], il est dans une catégorie différente. Il est devenu un moyen produit pour changer notre comportement. En d'autres termes, il joue le rôle que jouaient autrefois l'industrie de la publicité, le marketing, le prophète, le philosophe, l'orateur, le politicien. Et cela se fait dans une relation dialectique automatique qu’il a avec nous.

 

 — Pouvez-vous préciser cette relation ?

Y. V. : Dans le capitalisme, le propriétaire des moyens de production ayant le monopole de ceux-ci oblige le prolétaire à lui vendre sa force de travail – analyse marxiste classique. Et aussi à lui donner quelque chose de plus, ce que j'appelle le travail « expérientiel », et c'est là que naît la plus-value. Mais Jeff Bezos, par exemple, qui possède Amazon et l’algorithme d’Amazon, ne produit rien. Et, il n'utilise pas non plus ce capital qu'il possède, que j'appelle « cloud capital », et qu’on pourrait aussi appeler « capital algorithmique », pour exploiter directement le travail et la plus-value du travailleur qui produit la bicyclette que vous achetez sur amazon.com. Il ne s’intéresse pas à ce que vous allez acheter, ni à la manière dont cela a été produit. Il vous met à l’intérieur du fief qu’il a bâti avec son « cloud...

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