Réforme majeure de l’ingénierie territoriale ou nouveau coup porté à la capacité d’agir des collectivités ? Le débat est lancé après qu’un rapport, remis au gouvernement le 16 juillet 2025, a proposé de réduire fortement, voire de supprimer, l’appui technique apporté aux collectivités locales par des agences comme l’ANCT, le Cerema ou l’Ademe. Cette perspective suscite une vive inquiétude chez les élus, qui craignent des conséquences lourdes dans un contexte où les défis liés au dérèglement climatique rendent les projets de transition toujours plus complexes.
L’ingénierie territoriale englobe l’expertise technique, juridique et méthodologique qui aide les villes, communes et régions à concevoir et mettre en œuvre leurs plans d’aménagement, de mobilité ou de transition environnementale. Le rapport des inspections générales pointe un réseau d’ingénierie trop coûteux et peu lisible, avec une centaine de dispositifs peu coordonnés. Il propose trois scénarios drastiques, allant de la suppression partielle des programmes d’ingénierie de l’ANCT à un arrêt quasi complet des interventions étatiques dans ce domaine, visant des économies parfois supérieures à 100 millions d’euros.
Un nouvel abandon pour les territoires ruraux ?
Toutefois, ces économies financières pourraient avoir un coût social et territorial élevé. « Si on retire l’ingénierie de l’État, c’est un nouvel abandon pour les territoires ruraux », alerte Vanik Berberian, président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), dans Le Courrier des maires. Selon lui, « nos petites communes n’ont pas d’ingénieurs ni de consultants en interne. Sans accompagnement, beaucoup de projets risquent de rester dans les cartons. »
Christophe Bouillon, président de l’Association des Petites Villes de France (APVF) et de l’Agence nationale pour la cohésion des territoires, partage cet avis. Il rappelle que l’ingénierie d’État « n’est pas un luxe, c’est vital », surtout lorsque les plans de transition écologique requièrent des compétences pointues et des méthodes adaptées aux réalités locales.
Les sénateurs ont, eux aussi, souligné, dans un rapport présenté le 3 juillet, qu’il serait dangereux de fragiliser ou de supprimer brutalement l’ingénierie d’État. La mission sénatoriale reconnaît des problèmes de lisibilité et d’accessibilité de l’offre d’ingénierie d’État. Mais elle met l’accent sur l’utilité de l’expertise nationale et la nécessité de garantir un accompagnement technique et impartial, surtout pour les collectivités les moins dotées. Elle souligne l’importance d’une réforme progressive, concertée et différenciée en fonction des territoires, afin d’éviter d’accroître les inégalités territoriales.
Moment mal choisi
Le moment est particulièrement mal choisi pour amorcer des réformes, entre plan d’économie drastique et perspectives des municipales de 2026. En outre, alors que la réussite des plans de transition nécessite une ingénierie renforcée pour répondre à des défis inédits — climat, artificialisation des sols, rénovation énergétique, mobilité durable — affaiblir l’État risquerait de creuser les inégalités territoriales. Le gouvernement assure qu’il consultera les acteurs locaux avant de prendre sa décision. Mais pour les maires, l’inquiétude grandit face au risque de se retrouver seuls avec des dossiers complexes à traiter.