DOSSIER

Action Citoyenne, des Français prêts à agir

La rédaction
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Publié le 20 octobre 2022
AU SOMMAIRE DU DOSSIER

Notre enquête réalisée par l’IFOP pourrait donner des idées aux dirigeants des collectivités locales tant est réelle la volonté d’engagement d’une majorité de Français. 54 % des sondés répondent positivement lorsqu’on leur demande s’ils sont prêts à consacrer bénévolement un peu de temps personnel pour agir localement. Un chiffre qui bondit à 62 % pour les jeunes de 18 à 24 ans. Dans la morosité régnante, ce résultat offre un peu de lumière et d’espoir pour l’avenir. Mais, plus prosaïquement, il signifie que si les responsables politiques locaux savent s’en saisir, ils pourront profiter d’un réel potentiel d’action. Même dans une commune moyenne, mille citoyens prêts à investir trois heures de leur temps par mois, cela représente 3 000 heures pour la collectivité

62 % des jeunes de 18 à 24 ans volontaires pour donner du temps à leur commune

 Bien sûr, une partie d’entre eux est déjà engagée dans des actions bénévoles, mais ils sont bien plus nombreux encore dans les starting-blocks à se dire prêts si les conditions de leur engagement sont réunies. Parmi celles-ci, l’impérieuse nécessité de faire quelque chose de concret et d’utile. Le militantisme principalement fondé sur des convictions politiques et idéologiques semble avoir fait son temps au profit d’un désir d’engagement de proximité dont les résultats pourront être plus rapidement visibles. Phénomène particulièrement remarquable dans la jeunesse d’aujourd’hui qui, si elle refuse très majoritairement l’engagement dans un parti politique, ne baisse pas pour autant les bras devant les exigences de solidarité ou l’urgence climatique auxquelles nos sociétés sont soumises.

Des élus dubitatifs

Lorsqu’on les interroge, les maires sont surpris et plutôt dubitatifs face aux résultats de l’enquête. « J’ai le sentiment que les citoyens sont prêts à devenir bénévoles, mais sans responsabilités : c’est la croix et la bannière dès qu’il faut prendre des responsabilités, s’engager dans la gouvernance des associations. C’est un peu “le bénévolat, quand je veux !” » nous livre sans détour Catherine Arenou, maire de Chanteloup-les-Vignes, petite ville de 10 000 âmes dans les Yvelines. Le combat des élus pour ramener les citoyens dans l’orbite de l’action citoyenne ne date pas d’hier, et les résultats sont si souvent décevants que les élus en ressentent une réelle frustration.

Dans son petit village isérois de Châtel-en-Trièves, la maire Fanny Lacroix avance une autre explication, tirée de son expérience : « Il faut engager les citoyens à tous les niveaux, pas seulement au niveau intellectuel, soutient l’élue. Si l’on s’en tient uniquement aux discussions et aux réunions publiques, on sait que seuls 5% de la population y assistera. Il faut accepter de se mettre à portée des habitants, dans leur quotidien, dans leurs savoir-faire. L’engagement, cela peut être par exemple pour certains de prendre une tronçonneuse pour entretenir des sentiers, de planter des courges dans le jardin partagé, de fabriquer l’étagère du café-épicerie… ».

La valorisation des savoir-faire de chacun s’avère être un puissant moteur de l’engagement citoyen…

Ainsi, la valorisation des savoir-faire de chacun s’avère être un puissant moteur de l’engagement, dans la mesure où la collectivité, en même temps qu’elle sollicite le citoyen, lui adresse aussi un message de reconnaissance. Notre étude révèle aussi que les habitants doivent avant tout avoir la conviction que leur action est utile aux autres (96 %), mais ils souhaitent également que la ville soit en mesure d’encadrer sérieusement les activités (81 %), et qu’elle soit à l’origine de la sollicitation (80 %). En ce domaine, il n’y a certes pas de recette miracle, mais pour que l’offre émanant des collectivités corresponde à l’aspiration à agir des citoyens, il faut trouver le bon dosage et les leviers qui déclenchent l’engagement. Les questions de solidarité (41 %) et d’environnement (40 %) sont de loin les premiers thèmes sur lesquels les Françaises et les Français se disent prêts à agir, l’éducation (28 %), la culture (25 %) et la santé (21 %) arrivent ensuite. Dans tous les cas, mieux comprendre les motivations, et déceler les leviers sur lesquels il conviendrait d’agir, devient un enjeu pour les collectivités qui voudront transformer le désir de leur population en actions au service de tous.

Frédéric DURAND

Réactions d’élus

Vu de Chanteloup-les-Vignes
Catherine Arenou, maire de Chanteloup-les-Vignes :
« C’est la croix et la bannière dès q
u’il faut prendre des responsabilités »
 « D’une façon générale, l’envie de bénévolat a plutôt diminué, surtout lorsqu’on parle d’engagement sur le long terme. Le milieu associatif est de plus en plus fragilisé. Je pense notamment au milieu sportif, qui repose depuis des générations sur l’investissement de passionnés. Aujourd’hui ce vivier est vieillissant et la période Covid avec l’impossibilité d’accompagner les jeunes l’a découragé. J’ai le sentiment que les citoyens sont prêts à devenir bénévoles mais sans responsabilités : c’est la croix et la bannière dès qu’il faut prendre des responsabilités, s’engager dans la gouvernance des associations. C’est un peu « le bénévolat, quand je veux ! »
Dans une ville populaire comme Chanteloup-les-Vignes, on constate que l’engagement est plus évident sur le caritatif et les solidarités. Nous mesurons aussi que, pour les personnes immigrées, les solidarités avec le pays d’origine mobilisent beaucoup d’énergies et de moyens financiers, et ce, dans la durée. Nous organisons régulièrement des journées de grand nettoyage en nous appuyant sur les associations. On y croise de nouvelles têtes, mais pas forcément des personnes qui s’impliquent dans la durée. Enfin, dans l’urgence, comme pendant la crise sanitaire, les habitants sont toujours prêts à se mobiliser. Nous comptons un tissu associatif important avec près d’une centaine d’associations dont certaines remplissent des missions de service public : centre social ou école de musique et de danse, par exemple. Je suis très attachée à leur indépendance, mais il nous faut parfois aider à trouver des habitants bénévoles pour assurer la gouvernance. Nous avons ainsi « reconstruit » le centre social après 6 mois d’échanges avec les habitants.
Nous avons un service de la vie associative pour venir en appui, notamment en direction des associations en difficulté de gouvernance. Nous nous appuyons beaucoup sur les associations pour mobiliser les habitants, notamment sur les questions de concertation dans le cadre de la rénovation urbaine. Nous avons également créé une allocation municipale étudiante d’accompagnement aux jeunes dans les trois premières années d’études supérieures. En contrepartie, les jeunes acceptent de s’investir dans la ville, auprès des associations. Cela leur permet de s’ouvrir, de s’impliquer, de découvrir d’autres quartiers ou des actions que nous menons. Les retours sont positifs. »
Vu de Montpellier
Mickaël Delafosse, maire de Montpellier : « Créer les conditions d’un engagement pour tous » 
« L’engagement des jeunes n’est pas à démontrer. Les nouvelles générations sont celles qui sont les plus sensibles à la destruction de l’environnement, à l’augmentation des inégalités sociales. Si nous voulons nous montrer dignes de leur exigence, il nous faut avancer vite, en concertation, pour mener de grandes transformations nécessaires à la protection de l’environnement, à la qualité de l’air, et pour toujours protéger davantage les plus faibles et les plus modestes. À Montpellier, nous nous efforçons de suivre de cette ligne, en instaurant la gratuité des transports pour toutes et tous, en développant le soutien scolaire public, laïque et gratuit, en instaurant la cantine à 50 centimes pour les femmes seules avec enfant. Chacune de nos politiques publiques répond à cette double exigence.
Montpellier est un territoire dynamique, ouvert sur le monde, tourné vers l’avenir, plein d’énergie et de convictions fortes pour construire le monde de demain. C’est une chance immense. L’un de nos défis réside dans le fait d’entraîner les habitants dans les profondes transformations que nous faisons. Sans expliquer et associer, les grands changements sont plus difficiles à mener. Avec la gratuité des transports, nous répondons à cette dynamique, pour les plus jeunes et les plus précaires en particulier, en créant une identité et une fierté, et en leur permettant de se déplacer plus librement dans la ville. Créer les conditions de l’émancipation, c’est créer du lien dans la ville, et chacune des politiques que nous menons répond à cette exigence.
C’est pourquoi nous menons ce front des deux côtés, d’abord en créant les conditions d’un engagement citoyen pour tous, mais aussi en créant des instances de participation qui permettent aux habitants, y compris aux jeunes, d’accompagner la Ville et la Métropole dans la mise en place des politiques publiques. »
Vu de Séméac
Philippe Baubay, maire de Séméac : « Les habitants s’impliquent dès que la démarche est active »
 « L’enquête reflète une partie des situations que je peux vivre. Je reconnais bien la demande de participation citoyenne, dès lors que la démarche initiée est active. Divers exemples me viennent en tête, essentiellement sur les questions de défense de la biodiversité. Même si le département des Hautes-Pyrénées reste rural, la commune de Séméac fait partie du bassin de vie et d’emplois tarbais (127 000 habitants). Notre population est de plus en plus urbaine et impliquée dans la préservation de notre environnement. Quand la municipalité a décidé de planter 1,5 km de haies dans le cadre montrer dignes de leur exigence il nous faut avancer vite, en concertation, pour mener de grandes transformations nécessaires à la protection de l’environnement, à la qualité de l’air, et pour toujours protéger davantage les plus faibles et les plus modestes. À Montpellier, nous nous efforçons de suivre de cette ligne, en instaurant la gratuité des transports pour toutes et tous, en développant le soutien scolaire public, laïque et gratuit, en instaurant la cantine à 50 centimes pour les femmes de la restauration, des trames vertes et bleues, plus de 30 Séméacais ont apporté leur aide durant un weekend entier. Il en a été de même lors d’une journée de nettoyage de notre bois communal : la forêt fait partie intégrante de notre écosystème et l’idée qu’il faut la protéger s’est imposée dans la population. Les questions énergétiques mobilisent également. La région Occitanie et l’État ont lancé le dispositif « Rénov’Occitanie » que nous avons relayé en proposant une balade nocturne thermique au travers des rues de la ville, avec une caméra thermique infrarouge pour identifier les « passoires thermiques ». Plusieurs dizaines de personnes étaient présentes à plus de 22 heures !
Il est pourtant difficile de susciter la participation de ces mêmes personnes dans des débats apparaissant comme plus globaux, désincarnés voire « trop politiques », à commencer par le Projet d’aménagement et de développement durable (PADD) du Plan local d’urbanisme (PLU). Il faut alors chercher l’accroche qui va susciter l’intérêt. Pour la rénovation du centre municipal Léo-Lagrange, le conseil municipal a souhaité associer les Séméacais. Il a sélectionné 4 architectes qui ont travaillé des projets soumis à la population au travers d’une consultation ouverte. L’initiative a été un succès avec 36 contributions écrites dans un cahier et qui ont plébiscité un projet à plus de 72 % ! Ces expériences attestent d’une déconnexion entre le débat politique « institutionnel » et un débat local qui suscite un intérêt et un engagement grandissants. Cette situation a encore été renforcée par la pandémie. Je ne m’en satisfais pas, mais ne vois pas immédiatement les leviers efficaces pour en sortir. »
Vu de Saint-Aubin-sur-Scie
Frédéric Canto, maire de Saint-Aubin-sur-Scie : « J’ai le sentiment que les gens deviennent consommateurs de la commune »
« Je suis surpris de ces résultats parce que je trouve que la proportion de personnes prêtes à s’impliquer est élevée. Dans les discours, les Français sont bienveillants avec leur commune. Mais dans les faits, lorsqu’on les sollicite, par exemple pour intégrer le futur conseil municipal, on essuie des refus : je n’ai pas le temps, avec les enfants, le travail, etc.… Par ailleurs, je note que dans le sondage, la moitié de ceux qui se déclarent prêts à s’engager peut donner 1 à 3 heures par mois. Ce n’est pas rien, mais ce n’est pas ce que j’appelle de l’engagement ! Ce n’est pas ça qui change la donne.
Dans mon village de 1 000 habitants, nous avons encore une vie associative, mais je mesure une forte baisse de l’investissement citoyen. En dehors de deux associations (club de gym et comité des fêtes) qui structurent plusieurs dizaines de personnes et sont prêtes à s’engager dans la vie communale, les autres associations sont constituées d’une poignée de bénévoles réunis par un sujet précis.
Il y a une difficulté aujourd’hui à susciter l’engagement. Nous avons organisé un ramassage citoyen des déchets et nous n’avons mobilisé que neuf personnes, issues du mouvement associatif. Pareil pour une opération grand nettoyage du cimetière : seules trois personnes nous ont aidés. On a une réelle difficulté à toucher ceux qui ne sont pas engagés.
En fait, j’ai le sentiment que les gens deviennent consommateurs de la commune : ses commerces, ses services, son cadre de vie… C’est surtout vrai pour les habitants les plus récents, qui ne partagent pas la même appartenance à la commune. Nous avons un enjeu, notamment pour mobiliser les plus jeunes. Heureusement, il reste de l’investissement citoyen sur la participation à la tenue des bureaux de vote ou au devoir de mémoire. Nous avons toujours du monde dans les commémorations de la Libération de la commune ou du raid anglo-canadien du 19 août 1942 sur Dieppe et sa région. Les gens ont le sentiment de participer à démocratie et à la vie de la nation. D’ailleurs, nous allons les remercier prochainement avec apéro dinatoire. »
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