— Vous êtes depuis peu à la tête de l’OFAST, quelles priorités vous êtes-vous fixées et quelle est votre stratégie pour lutter contre le trafic de stupéfiants ?
Dimitri Zoulas : J’ai pris mes fonctions au début du mois de février 2025 à la tête de l’OFAST, créé en 2020 sur le fondement du prestigieux Office central de répression du trafic illicite de stupéfiants (OCRTIS), chargé dès 1953 de répondre à la menace liée aux trafics de stupéfiants. Je m’inscris donc dans cette tradition des offices spécialisés de l’ex-Direction centrale de la police judiciaire, qui doivent simultanément traiter un grand nombre de dossiers opérationnels de haut niveau tout en conservant une vision stratégique pour leur permettre de s’adapter à ce qu’on appelle l’état de la menace.
Celle-ci est actuellement très élevée en matière de trafics de stupéfiants et nombre d’observateurs considèrent désormais cette menace comme existentielle pour la sécurité nationale. Cette situation s’explique par une très forte augmentation de la production mondiale de cannabis et de cocaïne, l’accélération de leur circulation en Europe et singulièrement en France, comme le démontre l’augmentation des saisies, notamment de cocaïne et de drogues de synthèse. Nombre d’organisations étrangères et françaises, pour ces dernières nées d’un processus de structuration criminelle des trafiquants de cités des années 1990 et 2000, importent désormais massivement de la cocaïne sur le territoire, par tous les « vecteurs », aérien, terrestre et maritime. Ils misent sur une saturation des dispositifs de contrôle et sur la masse : les saisies contrecarrent provisoirement le flux, qui reprend aussitôt, car la production est quasi illimitée et les moyens d’acheminement, aussi. Tout comme les bénéfices extraordinaires attendus de cette activité : un kilo de cocaïne vaut 650 € en Colombie, 5 000 en Guadeloupe et 30 000 en France métropolitaine.
Dans ce contexte, je vois plusieurs priorités : animer le partenariat inter administrations et accélérer la collecte de renseignements. Parallèlement, le renforcement de la coopération internationale est indispensable : les produits viennent donc de l’étranger et nous mobilisons nos partenariats internationaux et notre réseau de coopération policière à l’étranger, sous l’égide de la DCIS (Direction de la coopération internationale de sécurité). Deux autres priorités opérationnelles sont évidentes : il faut s’attaquer aux organisations criminelles plutôt que de rechercher les produits en eux-mêmes. Les « saisies sèches », comme on les appelle, c’est-à-dire sans identifier les commanditaires, ne sont pas une méthode qui neutralise le phénomène. Enfin, une fois les acteurs criminels identifiés, c’est la qualité des procédures qui fait la différence devant une cour de justice et il y a donc lieu d’améliorer sans cesse la richesse et la pertinence des dossiers que nous rendons à la Justice. Cette dernière n’est pas laxiste : mais pour condamner, il faut matérialiser les preuves de l’activité d’une association...