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France unitaire ou fédérale ?

Frédéric DURAND, Pierre MAGNETO
Publié le 7 mars 2024

Grégory Berkovicz et Benjamin Morel partagent une même passion pour le territoire et son organisation. Si le premier plaide pour une France fédérale, constituée de provinces avec un haut degré d'autonomie, le second défend davantage l'État unitaire, garant d'égalité, sans négliger la libre administration des collectivités locales, par ailleurs inscrite dans la Constitution. L'un et l'autre s'invitent avec leurs convictions et leurs différences dans un débat qui va tenir le haut de l'affiche dans quelques semaines, lors de la remise du rapport d'Éric Woerth sur l’approfondissement de la décentralisation. Volontiers provocateur, Grégory Berkovicz pousse à l'extrême sa vision d'une France des « provinces » libres, quand Benjamin Morel met en garde face à un processus qui pourrait, selon lui, aboutir à une mise en concurrence brutale entre les territoires. S'il est difficile de savoir ce qui va advenir du rapport Woerth, nos interlocuteurs n'attendent pas ses conclusions pour se positionner...

Place au débat !

— Est-ce que la France est le pays le plus centralisé d’Europe ?

Benjamin Morel : La décentralisation relève de plusieurs facteurs. Pour ce qui est des ressources, nous sommes historiquement un pays plus décentralisé que les autres parce que le rapport à l’impôt comme instrument démocratique est quelque chose de très franco-français issu du républicanisme communal à partir du Second Empire et ensuite du socialisme municipal. Puis, il y a la décentralisation des dépenses et là on a des degrés de centralisation plus importants que des pays comme l’Allemagne ou l’Espagne, liés à la mutualisation de politiques publiques telles l’éducation ou la santé. Aujourd’hui, les difficultés de la décentralisation ne sont pas tant liées à l’exercice ou pas de ces compétences, elles sont liées à l’absence de levier fiscal que réclament les collectivités et d’un vrai levier normatif. Ce n’est pas seulement d’avoir une compétence qui est important, mais de pouvoir effectivement l’exercer. Pour ça, il faut pouvoir produire de la norme.

Benjamin Morel. Photo Franck Beloncle

— Fabriquer de la norme au niveau local, j’imagine, Grégory Berkovicz, que vous êtes plutôt d’accord ?

Grégory Berkovicz : Pas forcément. Selon un rapport de la collectivité de Corse, un des points centraux est la compétence législative, mais ce n’est pas le nœud du problème. La décentralisation, c’est l’État qui délègue des compétences à des entités territoriales. De ce point de vue là, la France est un État parfaitement unitaire, il n’en demeure pas moins que globalement tout ce qui est délégué et décidé au niveau des collectivités territoriales relève d’une compétence de l’État central. Le fédéralisme, c’est l’inverse, la compétence est avant tout locale, organisée et protégée par la constitution définissant les domaines dévolus au niveau fédéral et au niveau des territoires ou des provinces, comme je les appelle dans mon livre. La Constitution définit les compétences dans lesquelles l’État fédéral ne peut pas aller et inversement.

— Benjamin Morel, est-ce que ça vous semble possible, souhaitable, dangereux ?

B. M. : Ni le domaine fédéral ni le domaine unitaire ne sont prédictifs d’un degré de décentralisation. L’Autriche est beaucoup plus centralisée que l’Espagne, pourtant c’est un pays fédéral. L’opposition État fédéral - État unitaire est essentiellement juridique. Dire qu’il va y avoir une répartition stricte des compétences parce que l’État serait fédéral, c’est idyllique. De même avec la décentralisation car elle est asymétrique. Quand on rentre dans une logique d’asymétrie, on instaure une concurrence entre territoires. Si on octroie des compétences plus larges à la Corse au prétexte qu’elle possède une forte identité, les autres régions vont réclamer des compétences similaires. Sur les domaines dévolus aux territoires fédérés, il y a aussi asymétrie et des effets pervers potentiels. En Allemagne, les Länders les plus riches du sud sont ceux qui ont été les moins touchés par la crise sanitaire parce que l’hôpital y est fort. L’épidémie aurait pris d’abord dans les Länders de l’est, ça ne se serait pas passé de la même manière.

— Grégory Berkovicz, vous avez...

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