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La tyrannie des normes ou la stratégie du découragement

La rédaction
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Publié le 6 mars 2024
Pour construire un équipement ou rénover un bâtiment, les élus locaux doivent passer de nombreux paliers avant de voir aboutir leurs projets. En cause, la myriade de normes auxquelles ils doivent répondre.

Formulaire, pré-étude, étude, appel à projets, rapport… Le parcours du combat normatif est un sport bien connu des élus locaux. Urbanisme, environnement, santé… Toutes les compétences sont concernées par ce que nomme le président de l’AMF, David Linsard, « la boulimie normative et bureaucratique ».

Le sujet n’est pas nouveau. Il fait d’ailleurs partie des marronniers politiques depuis une cinquantaine d’années. Selon un rapport d’information sénatorial datant du 15 juin 2023, le code de l’environnement a ainsi crû de 653 % depuis 2002, le code du commerce de 364 % et le code de la consommation de 311 %. On ne compte plus les appels d’associations d’élus contre « la maladie de la norme ». Et il semble que cette tendance se soit aggravée ses dernières années avec le développement des financements sur appel à projets.

Exemple symptomatique avec l’attribution des crédits alloués au fonds vert, les dotations d’équipement des territoires ruraux (DETR) et autre dotation de soutien à l’investissement local (DSIL).


MANQUE D’INGÉNIERIE DES PETITES COMMUNES

Mais dans ce match, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne et déposer un dossier en préfecture relève souvent du calvaire pour les communes qui ne disposent pas de l’ingénierie nécessaire, comme en témoigne Sébastien Laborde, conseiller départemental de Gironde et adjoint au maire de la commune de Saint-Denis-de-Pile.

« Une commune qui souhaiterait installer des panneaux photovoltaïques doit, pour déposer un dossier d’obtention de fonds vert, chiffrer le montant des économies que cela représentera une fois l’installation faite. Pour les petites communes, ce calcul est impossible à faire seules. Elles sont nombreuses à se décourager et renoncent à leur projet », témoigne-t-il.

Ici l’intercommunalité ou le département peuvent aider, mais jamais se suppléer aux préfectures et sous-préfectures qui maîtrisent les process. Pourtant, là aussi le bât blesse. Dans son rapport publié le 10 novembre 2023, la Cour des comptes note ainsi que « les fortes réductions d’effectif des sous-préfectures (-21 % entre 2016 et 2020) compromettent la viabilité de nombre d’entre elles, alors que les attentes à leur égard restent fortes, notamment de la part des élus locaux ».

Toujours selon cette étude, 4 748 postes équivalent temps plein ont été supprimés dans les préfectures entre 2010 et 2020, suite notamment à la fameuse réforme de l’administration territoriale de l’État (RéATE). Pour Géraldine Chavrier, professeure de droit public, doyenne du département droit public de l’université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne, « les services de l’État ne sont plus assez solides pour accompagner les collectivités, faute de moyens. Il devrait y avoir une synergie entre la déconcentration et la décentralisation, la première accompagnant la seconde. Ce n’est pas le cas, tout étant complexe, hiérarchisé et trop centralisé ».


JUSQU’OÙ LA LOI DOIT-ELLE ALLER ?

Cherchant des voies d’amélioration, la spécialiste indique qu’un amendement sénatorial à la loi du 21 février 2022, dite 3DS (différenciation, décentralisation, déconcen­tration et simplification), avait envisagé de créer, auprès de chaque préfet, une conférence de dialogue État/collectivités.

« Cela me semble une bonne idée, car si ce dialogue peut être spontané, il peut aussi être dépendant des individus et des contextes. Le préfet doit être un facilitateur », soutient-elle. Au-delà, c’est bien la façon dont est élaborée la norme qui interroge aujourd’hui.

Jusqu’où faut-il aller dans les détails d’une loi ? Quelle liberté d’action laisser aux collectivités dans l’adaptation des règles aux contextes locaux ? Pour répondre à ces questions, il faudra sans doute plus qu’un énième « choc de simplification »…

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