ENTRETIEN

Témoignages d’élu.e.s

Les élu.e.s nous racontent.
La rédaction
La rédaction
Publié le 21 novembre 2023
PHILIPPE GOSSELIN, député LR de la Manche

« Une pincée de cumul des mandats pour rétablir un lien entre les échelons nationaux et locaux »

Travaillant sur le sujet depuis plus de dix ans et ancien maire d’une commune rurale, je constate que les élus locaux sont de véritables couteaux suisses. Ils sont décideurs, gestionnaires des ressources humaines, médiateurs, urbanistes, assistants sociaux… C’est une charge mentale qui pèse 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Cela fait des années que nous parlons du statut de l’élu. Il semble néanmoins que ce mandat soit indéniablement plus compliqué. Les élus ont besoin d’être protégés et rassurés. Il ne s’agit pas uniquement de revaloriser les indemnités d’élus. Il faut aussi mieux former pour permettre aux élus d’exercer les pouvoirs qui sont les leurs, accompagner notamment après le mandat, valoriser les acquis de l’expérience. C’est un ensemble. Concernant le financement, les collectivités doivent
être responsabilisées. Une part de leur budget doit être mobilisée. Mais n’oublions pas que les maires occupent des fonctions pour le compte de l’État. Ils sont une porte d’entrée vers plusieurs services du quotidien. Cela doit être reconnu, y compris dans le versement de dotations particulières. Par ailleurs, ne mettons pas les élus en porte-à-faux face à leurs budgets. Si les collectivités doivent porter seules ces mesures, elles ne se feront pas. Enfin, il faut aussi poser la question du cumul des mandats. Je fais partie des traumatisés de la fin du cumul entre les fonctions de maire et de parlementaire. Ce sujet n’est certes pas populaire. Je pense qu’il faudrait cependant réfléchir à une pincée de cumul, afin de retrouver un lien entre l’échelon national et local.
FRÉDÉRIC ROIG, maire de Pégairolles-de-l’Escalette (151 habitants), dans l’Hérault

« Maire d’un village rural depuis 28 ans, j’ai vu la situation se dégrader progressivement… »

Être élu local relève d’un engagement de tous les instants. Dans une petite commune comme la mienne, mon rôle est autant de résoudre les avaries d’écoulement d’eaux liées au réseau que d’accompagner une famille qui vient de perdre un proche, ou être en alerte en cas d’intempérie, mais aussi régler les problèmes à l’école tout en organisant la fête du village… On se dépatouille. Être élu, ce n’est pas simplement signer des parapheurs et assister au conseil municipal. Cela doit être reconnu. Maire d’un village rural depuis 28 ans, j’ai vu la fonction se dégrader progressivement. L’action publique s’est complexifiée. D’abord, les années 2000 ont constitué
un tournant avec l’inscription du principe de précaution dans la Constitution. Nous avons basculé dans une société du contentieux avec une augmentation des recours. Aujourd’hui, le temps de préparation des projets est parfois plus long que celui des travaux. Il est plus difficile d’agir. De plus, les transferts de compétences aux collectivités des lois ALUR et NOTRe n’ont pas été suivis d’un transfert des moyens équivalents. En résulte un délitement de la prise de décision publique. Face à ces constats, nous devons agir pour simplifier l’action publique, redonner de la responsabilité aux élus locaux et lutter contre les injonctions contradictoires.
CATHERINE LHÉRITIER, maire de Valloire-sur-Cisse (311 habitants), dans le Loir-et-Cher

« Il existe un sentiment de vulnérabilité, les démissions de maires augmentent »

Ce mandat est difficile. Il a commencé sous le Covid. Nous avons dû organiser la cohésion des nouvelles équipes tout en gérant les anciennes. Nous constatons, de la part de certains de nos concitoyens, une croissance de l’individualisme et du refus de la règle. Les actes irrespectueux en direction des élus augmentent. Au-delà, nous subissons aussi une recentralisation de l’État faisant perdre des compétences aux maires. Il y a un sentiment de déclassement. Pour exemple, la suppression de la taxe d’habitation a mis à mal le lien financier qu’entretenaient les territoires avec leurs habitants. Il monte un malaise et un sentiment de
vulnérabilité chez les élus, plus profonds qu’avant. Les démissions de maires augmentent depuis le printemps. Pour endiguer ce mouvement, les mesures législatives en cours vont dans le bon sens. Mais il faut aussi faire évoluer le statut de l’élu afin de mieux les protéger et diversifier leurs profils sociaux. Retraite, conciliation vie professionnelle et personnelle, fin de mandat, indemnités, formation… Les sujets sont nombreux. Néanmoins, ces mesures ne doivent pas peser sur les budgets des collectivités. Rappelons que les maires travaillent à 50 % au service de l’État. Ce dernier doit donc prendre sa part.
MURIELLE FABRE, maire de Lampertheim (2900 habitants), dans le Bas-Rhin, secrétaire générale de AMF

« Revaloriser les indemnités des élus indépendamment de la taille de leur commune »

Le mandat est marqué par l’inflation, la crise sanitaire, l’envolée des incivilités, les violences. Face à cela, l’AMF préconise plusieurs solutions qui visent à revaloriser le statut de l’élu local. Nous y avons travaillé étroitement avec le gouvernement, dont la ministre Dominique Faure. D’abord, il y a urgence à rendre le mandat plus attractif. Concernant la formation, il faut permettre aux élus de dégager du temps et simplifier le système. La conciliation entre vies personnelle, professionnelle et mandat est aussi cruciale. Revisitons le droit à autorisations d’absences et valorisons la fonction dans le monde professionnel. Sur la protection sociale, nous devons aligner le régime des élus sur celui des agents territoriaux. Pour diversifier les profils des élus, les
mandats ne doivent pas peser défavorablement sur la vie professionnelle. Côté protection juridique, la proposition de loi sénatoriale renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires est une avancée. Sur les indemnités, nous devons revaloriser tous les conseillers municipaux indépendamment de la taille de leur commune. Il faut se rendre compte que plusieurs maires ne touchent pas plus de 1000 euros par mois alors qu’ils sont mobilisables à tout moment. Cette mesure doit être financée par un abondement des dotations étatiques. Les attentes sont grandes. Les élus souhaitent une concrétisation de leurs demandes. La revitalisation de la démocratie locale en dépend.
ÉRIC KERROUCHE, sénateur PS des Landes

« Faire des élus locaux de véritables agents publics »

Le blues des maires n’est pas nouveau. Il faudra voir en 2026, si le renoncement est réellement plus marqué. Face à cette situation, il y a un besoin évident de protection. Mais au-delà, posons-nous la question de savoir ce que signifie être élu local aujourd’hui. La vision traditionnelle de l’élu, politicien amateur, donnant du temps à la chose publique, est mise en cause par la réalité. Soit, nous nous orientons vers un simple aspect correctif du statut, en continuant à cultiver cette vision de l’élu indemnisé pour son engagement. Soit, nous visons un changement de paradigme. Je propose de pousser la réflexion et de faire des élus des agents territoriaux. Ils pourraient se consacrer à plein temps
ou partiellement à leur mandat. Ils seraient rémunérés et non plus indemnisés. Nous nous sommes inspirés des modèles allemand et espagnol. Ce système existe en effet dans d’autres pays européens. On rétorque que cette idée est impopulaire. Mais cette possibilité doit permettre de revigorer l’accès aux responsabilités électives qui ne doivent pas être réservées aux élus ou collaborateurs d’élus. Les fonctions d’élus demandent du temps. La démocratie locale a un coût. Il s’agirait ainsi de faire du mandat d’élu local une expérience dans une trajectoire professionnelle. Le cumul des mandats serait alors limité dans le temps. Le but est de revivifier la démocratie locale.

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