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Gabrielle Halpern 52 « La philosophe de l'hybridation, ou la vie pensée comme une métamorphose permanente »

La rédaction
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Publié le 4 octobre 2023
Gabrielle Halpern est docteure en philosophie et diplômée de l’École normale supérieure.
— Quel sens donnez-vous précisément au mot « hybridation » qui est au coeur de vos travaux ?

Gabrielle HALPERN : Cette notion, sur laquelle je travaille depuis plus de dix ans, existait jusqu’à présent surtout en biologie, en botanique ou encore en chimie. Par mes travaux de recherche, je l’ai construite en tant que concept philosophique. Par hybridation, j’entends le mariage improbable, c’est-à-dire le fait de mettre ensemble des choses, des métiers, des personnes, des générations, des activités, des secteurs, des sciences, des arts ou encore des imaginaires qui a priori n’ont pas grand-chose à voir les uns avec les autres, voire qui pourraient sembler contradictoires, mais qui, ensemble, nous permettent de créer quelque chose de nouveau : un tiers-lieu, un tiers-secteur, un tiers-modèle, une tierce-gouvernance… Pourquoi pas un tiers-territoire ? En somme, de nouveaux mondes. On voit par exemple se démultiplier dans tous les territoires des tiers-lieux, c’est-à-dire des lieux dans lesquels vont être réunis une crèche, une épicerie solidaire, un incubateur de start-up et une résidence d’artistes ! Cela peut permettre de penser autrement les services publics locaux. Prenons l’exemple des écoles. L’enseignement agricole a pour deuxième mission de contribuer au rayonnement et à la dynamique du territoire. Mais cela ne devrait-il pas être l’une des missions de toutes les écoles, et pas seulement celles de l’enseignement agricole ? Cela ne devrait-il pas être l’une des missions de tous les acteurs d’un territoire ? Un hôtel, une crèche, une maison de retraite, un musée, un restaurant, une entreprise devraient contribuer à la dynamique d’un territoire. Ainsi, les écoles pourraient accueillir des personnes âgées en fin de journée pour leur apprendre à se servir d’un ordinateur, ou encore les dictées des élèves pourraient se transformer en lettres écrites aux résidents de l’Ehpad situé à côté de l’école, etc. C’est ce que j’appelle la « responsabilité territoriale ». On peut la définir comme le fait qu’aucun acteur au sein d’un territoire ne se sente ni ne se comporte comme un îlot isolé au milieu de l’océan, mais travaille à la constitution progressive et sempiternelle d’un ensemble de « mariages improbables » avec les autres acteurs du territoire, de telle sorte que chaque partie prenante de ce territoire se pense et se comporte comme un écosystème à même de cultiver un maillage territorial, social, générationnel, sectoriel, éducatif et professionnel. La responsabilité territoriale s’exprime par l’hybridation territoriale.

— Les territoires ruraux semblent pionniers en matière d’hybridation…

G.H. : Effectivement, il y a plein de magnifiques exemples en zone rurale. Comme une mutualisation de la cantine d’un Ehpad et celle d ’une école… Les territoires urbains devraient s’en inspirer ! Il est dommage que notre prisme très parisiano-parisien soit si souvent un frein.

— Pourquoi illustrez-vous la notion d’hybridation par l’image du centaure ?

G.H. : Le centaure, dans l’Antiquité grecque, est presque toujours dépeint comme un être monstrueux, agressif — avec son arc et sa flèche —, comme s’il nous voulait du mal… Ce qui témoigne de notre angoisse face à ce qui n’entre pas dans nos cases ! Le centaure, par sa représentation même, symbolise donc notre difficulté à penser l ’hybride. J’ai donc souhaité m’appuyer sur cette figure pour renverser en quelque sorte ce qu’elle peut représenter d’effrayant et réécrire le mythe du centaure pour mettre en évidence son extraordinaire fécondité.

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