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Fabien Gay  « Pour des tarifs réglementés »

Au Sénat, Fabien Gay a défendu une proposition de loi visant à rétablir les tarifs réglementés de l’électricité pour toute collectivité locale qui le demanderait.
La rédaction
La rédaction
Publié le 14 février 2023

— Pourquoi cette proposition de loi ?

Fabien Gay : Depuis l’été 2022, les collectivités locales sont confrontées à des prix de l’électricité complètement fous. On a atteint en plein mois d’août les 1 000 euros le mégawattheure. Celles qui devaient renégocier leurs contrats à ce moment-là se sont vu proposer des tarifs en hausse de 30 % en moyenne, atteignant parfois les 300 %. En Seine–Saint-Denis, par exemple, pour une ville comme Noisy-le-Sec, c’est 800 000 euros de plus sur la facture. Pour Neuilly-sur-
Marne, cinq millions de plus. Pour le département, 30 millions de plus. Quels que soient leur couleur politique, leurs choix de gestion, leurs opérateurs, leur taille… les collectivités qui ont dû renouveler leur contrat en 2022 ont été rackettées par les énergéticiens. Cela a des conséquences extrêmement graves. Pour le département de la Seine–Saint-Denis, par exemple, dont le budget est déjà contraint et souffre de ce que l’État ne compense pas ce qu’il devrait, cela veut dire soit baisser le chauffage drastiquement, soit fermer des services publics, soit amputer des investissements d’avenir, y compris l’isolation thermique des bâtiments publics.

Certes, le gouvernement agit, il a créé le filet de sécurité, le bouclier tarifaire… Mais si vous avez une augmentation tarifaire de cinq millions d’euros et une aide publique d’un million, restent quatre millions supplémentaires à débourser. Le gouvernement essaie de sauver le système du marché européen qui est complètement déréglé. Il essaie d’aider les collectivités, mais de telle sorte qu’il n’y aura jamais assez d’argent. Tout cela a déjà coûté au bas mot  43 milliards d’euros. Les vrais bénéficiaires, ce sont les énergéticiens qui sont indemnisés pour appliquer le bouclier tarifaire, alors que leurs profits continuent à augmenter.

— Que proposez-vous, concrètement ?

F.G. :  Une solution qui a fonctionné pendant très longtemps : le tarif réglementé, accessible à tout le monde — usagers, collectivités, entreprises, artisans… Cela permet de couvrir les coûts pour l’opérateur historique, EDF, et de maîtriser les
prix pour les usagers et les collectivités. Évidemment, cela a un coût : 3,5 milliards d’euros pour EDF. Mais nous estimons qu’il vaut mieux donner 3,5 milliards à EDF que 43 milliards aux opérateurs alternatifs. Cette solution n’a pas été retenue et nous le regrettons. Seul argument avancé : l’Union européenne ne nous le permet pas. C’est faux : les traités européens prévoient de possibles dérogations pour des raisons de service public et de prix. D’autre part, de plus en plus de pays s’émancipent du marché européen. Comme le Portugal, l’Espagne ou
l’Allemagne qui, en mettant 200 milliards d’euros sur la question énergétique, ne respectent pas vraiment les règles européennes non plus ! En fait, il y a un choix dogmatique fait par le gouvernement et les droites sénatoriales, et nous le regrettons.

« La France a l’énergie la plus décarbonée, la moins chère, même si aujourd’hui il y a des difficultés sur le nucléaire, et elle n’en tire aucun bénéfice »

— Pensez-vous qu’il faille sortir du marché européen ?

F.G. : Au sens libéral, un marché, c’est une offre qui rencontre une demande. Cela nécessite du stock. Plus le produit est rare, plus il est cher ; plus il se massifie, moins les coûts sont élevés ; et le produit se démocratise et devient accessible au plus grand nombre. Le problème de l’électricité, c’est que l’on ne peut pas la stocker. Donc, on a créé un marché qui, de fait, ne peut pas fonctionner. C’est de la pure spéculation. D’autre part, il y a un prix européen, mais des stratégies de production qui restent nationales. Pour la France, par
exemple, le gaz pèse très peu dans la production électrique, contrairement à l’Allemagne. La France a l’énergie la plus décarbonée, la moins chère, même si aujourd’hui, il y a des difficultés sur le nucléaire, et elle n’en tire aucun bénéfice. Au sens strict d’un marché libéral, il y a un problème.

Bien sûr, il ne faut pas sortir de l’interconnexion. On a besoin d’importer et d’exporter, et une solidarité peut se construire autour de cela. Mais il faut revoir tout le reste. Le gouvernement dit qu’il faut délier le prix du gaz et de l’électricité. Mais ce n’est pas possible dans le marché européen tel qu’il a été conçu puisque pour fabriquer le prix, on prend le coût marginal de production. Donc, on appelle d’abord l’éolien, puis l’hydraulique, puis le nucléaire, ensuite le gaz et au final le charbon. On ne peut pas dire : « On conserve la façon dont le prix est construit… sauf quand c’est le gaz ! » En réalité, on subventionne le gaz, donc l’énergie fossile, pour plafonner son prix. Ce système est complètement fou.

 

 
 

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