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Pierre Torrente "Pour les territoires, il y a une opportunité à saisir"

La rédaction
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Publié le 5 décembre 2022

— Les conséquences du réchauffement climatique en montagne vous inquiètent-elles ?

Pierre Torrente : Contrairement à la majorité des personnes, je pense que ces conséquences peuvent ouvrir de nouvelles opportunités. N’allez pas croire que je sois climatosceptique, je suis au contraire convaincu que le réchauffement climatique existe et s’accélère, de façon très préoccupante pour la planète en général, et pour les territoires de montagne en particulier. Mais je pense que pour les territoires de montagne, cela peut constituer une opportunité. Je m’explique : si l’altitude, les surfaces boisées, le froid ont longtemps été considérés comme des handicaps, en matière d’accessibilité, on s’aperçoit aujourd’hui que la montagne est un climatiseur naturel que nous envient les villes et les plaines quand elles sont confrontées à de fortes chaleurs. Plus fondamentalement, je pense que la montagne est depuis toujours configurée pour s’inscrire dans une société de la sobriété ! Il y a donc une opportunité, si on est capable d’engager la montagne dans une vraie transition.

— Quel pourrait être son nouveau modèle de développement ?

P.T. : Il ne faut pas un modèle transposé du cadre urbain, mais un modèle sur mesure pour la montagne, capable de s’inscrire dans la durée. Pour cela, il y a de vrais choix politiques à faire : est-ce qu’on veut conserver la montagne comme un
espace de loisirs pour citadins, consacré quasi exclusivement au tourisme, ou est-ce qu’on essaie de construire un espace de vie et de travail, qui réinvente la société de demain ? Dans ce second cas, on se dote de nouvelles grilles de lecture pour que le tourisme ne soit plus l’activité dominante, pour ne plus mettre tous nos œufs dans le même panier. Le développement de la montagne passe par des activités touristiques, mais aussi agricoles, industrielles et artisanales, à forte valeur ajoutée. Profitons de la dynamique à l’œuvre, avec la multiplication des espaces de coworking, des tiers-lieux, de l’envie de quitter la ville, pour imaginer
un écosystème innovant !

« Envisager un développement à une échelle plus large, dans lequel la station sera intégrée et jouera un rôle plus ou moins important »

— La station de ski ne peut donc plus être la colonne vertébrale de l’activité en montagne ?

P.T. : Depuis cinquante ans, on a développé la montagne à partir de la notion de station, pensée comme une reproduction d’un modèle urbain ; mais cette approche a polarisé le développement en altitude, participant de la désertification des
vallées. Alors que jusqu’à présent le territoire était pensé et organisé autour de la station, il faut maintenant envisager un développement à une échelle plus large, dans lequel la station sera intégrée et jouera un rôle plus ou moins important (voir
focus sur Métabief). C’est un virage compliqué, une petite révolution culturelle, qui suppose d’imaginer un modèle dans lequel le ski n’est plus la colonne vertébrale du développement de nos montagnes ; un modèle qui permettra de se passer du ski, lorsque les conditions ne seront plus réunies. Cette transition a besoin d’être accompagnée sur le long terme, afin que personne ne se sente lésé. Pour aller vers un autre modèle, il faut que tout le monde soit d’accord, et pour cela, il faut préparer la reconversion des territoires de montagne. De toute façon, l’avenir des stations de ski ne dépend pas seulement du risque climatique, mais aussi de leur capacité à attirer de la clientèle en nombre suffisant. Depuis la fermeture des colonies et des centres de vacances, qui ont appris à skier à plusieurs générations, les jeunes se détournent du ski.

— Quelle forme peut prendre cette reconversion des territoires de montagne ?

P.T. : Dans les années 1980, on nous prédisait que l’avenir appartenait aux grandes stations et que les petites allaient disparaître ; mais aujourd’hui, ce sont celles qui n’ont pas su se diversifier qui sont menacées, indépendamment de leur
taille. Laguiole, en Aveyron, a amorcé un virage intéressant : son modèle de développement est basé sur la présence d’une agriculture de qualité, autour de la race Aubrac, et d’un artisanat réputé, avec ses couteaux ; le ski ne vient qu’en complément, quand il y a de la neige. La complémentarité des activités garantit un
cercle vertueux.

— Le plan Avenir montagnes porte-t-il cette vision ?

P.T. : C’est un plan de grande envergure qui traduit une réelle volonté politique d’engager les acteurs de la montagne dans une vraie transition. Sur le papier, la transition est marquée et voulue. Ma seule inquiétude est liée à la durée de vie du plan : compte tenu de l’ampleur du chantier, deux années ne peuvent pas suffire. D’autant qu’il faudra toujours avancer au pas des montagnards, qui est toujours lent, parce que ça monte ! Mais n’est-ce pas là une vertu pour aller vers un développement durable ?

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