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Le papier va à la rencontre de tous les habitants

La rédaction
La rédaction
Publié le 17 octobre 2022

— Quel est le paysage de la presse territoriale aujourd’hui ?

Didier Rigaud-Dubaa : Avec la multiplication des strates territoriales, un habitant peut recevoir périodiquement le journal de sa commune, de sa communauté de communes, de son département, de sa région… Pour peu qu’il y ait plusieurs intercommunalités, il peut recevoir jusqu’à quatre ou cinq journaux de collectivités différentes ! Parmi eux, ce sont les publications des communes, avec lesquelles le lien affectif est le plus fort, qui sont lues en priorité. Plus de 90 % des communes ont un périodique papier, plus ou moins régulier et plus ou moins professionnel. Depuis la loi NOTRe, les publications des intercommunalités sont également très lues, en complément, car elles ont souvent su développer leur propre ligne éditoriale ; celles des départements ont aussi leur identité et leur notoriété, surtout en milieu rural. Les régions, quant à elles, ont eu tendance à supprimer les journaux papier, car depuis la réforme, leurs territoires sont tellement vastes que les tirages seraient de plusieurs millions d’exemplaires, donc très coûteux.

— Qu’est-ce qui explique la résistance du format papier ?

DR-D : Les collectivités ont conscience que le papier reste important parce qu’il va à la rencontre des habitants, qui le reçoivent chez eux. Si la « Une » est bonne, ils ont envie de l’ouvrir ; c’est un support qui permet d’intéresser les habitants à des sujets qu’ils ne connaissent pas et pour lesquels ils n’auraient pas eu le réflexe d’aller chercher l’information. Inversement, sur les réseaux sociaux, les habitants vont eux-mêmes rechercher les informations précises dont ils ont besoin. Dans ce paysage, la presse papier a fait évoluer sa périodicité : avec les réseaux sociaux, le mensuel se justifie moins et l’option du magazine bimestriel ou trimestriel est souvent privilégiée, comme pour la presse grand public d’ailleurs.

« Le journal présente
une vraie force,
parce qu’il révèle
les projets plus en détail,
et qu’il peut
être conservé. »

— L’appropriation massive des nouvelles technologies peut-elle entraîner la disparition des magazines papier ?

DR-D : Il est vrai que les moins de 35 ans lisent moins la presse territoriale. Tant qu’ils ne sont pas installés, qu’ils n’ont pas d’enfants, qu’ils ne sont pas propriétaires, les jeunes s’intéressent peu à leur cadre de vie et, de fait, aux publications qui en parlent. De plus, ces nouvelles générations, du côté des habitants comme du côté des élus, ont d’autres pratiques médiatiques, plus axées sur l’usage des réseaux sociaux. Avec la pandémie, les élus, tout particulièrement les plus jeunes, ont pris l’habitude d’utiliser les réseaux, d’y poster des vidéos. Pour les petites collectivités, c’est plus facile et moins coûteux qu’un magazine papier. Mais je pense que le papier présente une vraie force, parce qu’il révèle les projets plus en détail et qu’il peut être conservé. Les deux en réalité se complètent.

— Quelles sont les principales évolutions en matière de positionnement ?

DR-D : Depuis la fin des années 1990 et le début des années 2000, la presse territoriale est de moins en moins politisée : les collectivités publient le magazine d’un territoire et non plus celui d’une équipe politique. Leurs journaux parlent des habitants, de la vie locale et associative, en donnant beaucoup d’informations pratiques. Elles réservent peu de place aux élus et font peu référence à des valeurs. Il est même parfois difficile de savoir si la majorité est de droite ou de gauche. Ce sont d’ailleurs les rubriques pratiques qui sont les plus lues et les plus attendues. Elles contribuent à l’attractivité de la presse territoriale qui est aujourd’hui la première source d’information des Français, devant la presse quotidienne régionale.

— Les rubriques plus politiques, édito et tribunes, sont-elles moins lues ?

DR-D : Elles sont très peu lues et restent très rébarbatives. Beaucoup d’élus pensent – à tort – que l’édito est obligatoire et se plient à un exercice qui demeure très stéréotypé, avec la même photo qui revient d’un numéro à l’autre, pas de titre, pas de lettrine… Si la forme des éditos évolue, le mouvement est lent. D’une manière générale, la place des élus a reculé depuis vingt à vingt-cinq ans. Suite à l’élection d’une nouvelle équipe, le journal cherchera à la faire identifier, pendant un ou deux ans, mais globalement les élus sont peu présents dans les pages intérieures. Ce n’est d’ailleurs pas nécessairement une bonne chose. Je considère que le magazine doit aussi être porteur du projet politique au sens noble du terme. Une équipe a été élue démocratiquement, et c’est important, à mon sens, d’avoir une idée de leurs prises de décision. Je ne suis pas favorable à ce que ces publications soient trop aseptisées sur le plan politique. La présence de rubriques pratiques peut répondre à une attente, mais proposer des recettes de cuisine ne me semble pas justifié, alors qu’on peut légitimement s’intéresser à l’utilisation qui est faite localement des deniers publics.

— En complément des informations pratiques, la presse territoriale s’ouvre-t-elle à des sujets de société ?

DR-D : La presse territoriale est de plus en plus faite par des journalistes professionnels qui, après avoir quitté leur média grand public, recherchent une relative autonomie dans la sélection des sujets. S’ils sont en effet confrontés à une certaine frilosité de la part d’élus qui veulent éviter de traiter des sujets trop polémiques, certains rédacteurs en chef de magazines territoriaux confient jouir d’une plus grande liberté dans leurs choix éditoriaux que lorsqu’ils étaient dans la presse privée. Ils peuvent aborder des sujets sociétaux, dans une démarche citoyenne, à travers des angles qui n’ont rien à envier à la presse grand public.

À lire aussi : Comment les journaux territoriaux restent à la page

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