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Forum Axe Seine  : une forte demande d’État stratège

La rédaction
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Publié le 14 octobre 2022
Retrouvez notre compte rendu du Forum Axe Seine, qui s'est déroulé le mardi 11 octobre à Rouen, au hangar 10.

Par Bruno LAFOSSE

Une salle pleine, un format original de discussion, des interventions multiples et une belle affiche… Le 2e Forum Axe Seine a tenu ses promesses ce mardi 11 octobre à Rouen, au hangar 10. L’ouverture conjointe par Nicolas Mayer-Rossignol, maire de Rouen et président de la Métropole Rouen Normandie, et Édouard Philippe, maire du Havre et président du Havre Seine Métropole, a donné lieu à un savoureux dialogue. Nicolas Mayer-Rossignol a évoqué la nécessaire « dimension de poétisation du fleuve comme trait d’union entre les habitants et les villes de la vallée » à l’image de la candidature de la Seine normande au titre de capitale européenne de la culture portée par la métropole de Rouen. Édouard Philippe a quant à lui invité à « se retrousser les manches collectivement pour faire avancer la cause de l’Axe Seine », soulignant que « ce qui était bon pour Le Havre était bon pour Rouen, et vice-versa ».

Tout au long des trois tables rondes portant sur la relation ville-fleuve, les enjeux du transport décarboné et de la place de l’industrie, les points de blocage et des marges de progression ont été pointés. Le fleuve, source historique de développement, est aussi source de risques pour la ville comme pour les activités économiques, avec le réchauffement climatique, les épisodes de pluie intenses et la montée des eaux. De ce fait, Marie Atinault, conseillère pour les territoires en transition, a souligné l’importance de penser collectivement la ville en matière de sobriété énergétique, foncière ou de ressources pour anticiper les enjeux climatiques.

Dialogue citoyen contradictoire

Une réflexion qui passe par des apports d’experts, mais aussi du « dialogue contradictoire et citoyen pour poser les options et dépasser les contradictions », a souligné Patrice Leclerc, maire de Gennevilliers. Et si le foncier se fait rare dans le cadre de la mise en œuvre de la Zéro Artificialisation Nette (ZAN) des sols, Joachim Moyse, maire de SaintÉtienne-du-Rouvray, insiste pour ne pas opposer les besoins de logements et la relocalisation d’activités de production à proximité des habitations, pour éviter l’étalement urbain.

Le spectre de Lubrizol

Côté développement économique, les avancées sont notables, avec la création d’un opérateur unique portuaire, Haropa Port, et grâce à l’arrivée de nombreux projets industriels « que nous attendons depuis trente ans, à l’image du projet d’unité de production d’hydrogène vert à Port-Jérôme-sur-Seine », s’est félicité Jean-Baptiste Gastinne, vice-président de la région Normandie. D’autres, au premier rang desquels Régis Saadi, président de l’association d’industriels Upside-Boucles de Rouen, ont dit combien l’industrie était précieuse sur le territoire et qu’elle avait toute sa place, à condition de bénéficier d’un écosystème favorable et d’investir dans la formation de salariés qualifiés. Des activités d’autant plus acceptées lorsqu’on travaille avec les citoyens à la prévention des risques et qu’on joue la transparence en respectant les populations riveraines, comme l’a souligné le député du Havre Jean-Paul Lecoq. Dans ce domaine, la métropole de Rouen doit rattraper son retard sur la gestion des crises industrielles en s’inspirant de l’exemple havrais. Le spectre de Lubrizol n’est jamais loin…

Retard sur le ferroviaire

Sur le ferroviaire, le retard important pris par la réalisation du projet Ligne nouvelle Paris-Normandie impacte aussi bien le trafic voyageurs que le développement du fret. L’exigence d’un plan de rattrapage de l’État est unanimement partagée pour éviter que Rouen et Le Havre ne continuent de s’éloigner de Paris, et atteindre les objectifs de progression du transport de conteneurs par le fleuve et par le rail. Aujourd’hui, la part du fleuve est de 10 % et seulement 5 % pour la voie ferroviaire.

Du côté des syndicalistes des ports de Rouen et des dockers du Havre, les secrétaires généraux CGT, Fabrice Lottin et Johann Fortier, s’inquiètent des belles promesses jamais tenues sur le développement des trafics, alors que l’outil portuaire et industriel est fragilisé. Même son de cloche pour les cheminots CGT qui dénoncent par la voix de Baptiste Bauza le sous-investissement chronique sur le ferroviaire depuis quarante ans, tant en matière de fret que de transport de voyageurs, voire le démantèlement d’équipements structurants comme le triage de Sotteville-lès-Rouen alors que « le port d’Anvers s’appuie sur un outil
équivalent
».

Sur le fluvial, il existe un gros potentiel inexploité et des infrastructures qui se mettent à jour grâce aux efforts d’Haropa et de Voies Navigables de France. Le trafic totalise 22 millions de tonnes en 2021, alors qu’il atteignait 50 à 60 millions dans les années 1960, rappelle Dominique Ritz, directeur territorial du bassin de la Seine et de la Loire aval, qui a détaillé avec Olivier Ferrand, directeur de la stratégie et du développement d’Haropa, les investissements conjoints réalisés pour développer le transport fluvial et le décarboner.

Besoin de planification

Avec Frédéric Moulin, son délégué territorial Val de Seine, GRTgaz a rappelé l’intérêt que pouvait représenter cette énergie, même dans le contexte de crise actuelle, surtout quand elle est fabriquée par méthanisation, processus biologique qui permet de produire du biogaz généré par les biodéchets sans puiser dans les réserves fossiles.  Reste à gagner des trafics et Jean-Michel Genestier, maire du Raincy et conseiller délégué de la métropole du Grand Paris en charge de la logistique, a dit son espoir de voir ce mode se développer. Du géant du meuble à la brasserie locale, les idées ne manquent pas. Un point de convergence entre les intervenants : l’attente d’un État stratège. Un besoin de planification invoqué aussi bien par les syndicalistes CGT du port de Rouen que par Arnaud Brennetot, géographe, professeur des universités, qui a mis en évidence « la dissymétrie des espaces entre la première métropole européenne qu’est Paris et l’aval de la
Seine
». Pour Hubert Wulfranc, député de la 3e circonscription de Seine-Maritime, c’est également à l’État de donner l’impulsion et surtout de prévoir les moyens. « Le modèle des agences de l’eau, qui a fait ses preuves pour améliorer la qualité des eaux de la Seine » pourrait ainsi être mis à profit pour piloter un projet d’ampleur.

Du grain à moudre pour nourrir la réflexion du délégué interministériel au développement de la vallée de la Seine, à savoir le préfet Pascal Sanjuan, qui est chargé de préparer le prochain contrat de plan interrégional État-Régions. Et pour tous celles et ceux qui souhaitent désormais peser sur les choix nationaux autour de l’Axe Seine. Les échanges se poursuivront en 2023 dans les Yvelines autour de Mantes, puis, en 2024, à Paris.

La Seine, capitale européenne de la culture ?

Le Forum Axe Seine met en avant un projet culturel à chaque édition.
Pour 2022, c’est la candidature de Rouen au label de Capitale européenne de la culture qui a été défendue par la présidente de l’association Rouen 2028, Marie Dupuis-Courtes. Ou plus précisément la candidature de la Seine : en effet, dans cette candidature de tout un territoire qui va de Vernon-Giverny au Havre, la Seine apparaît comme trait d’union et fil conducteur. Le dossier de candidature sera présenté́ à l’Union européenne fin 2022.

Confrontations

Tout mettre à plat et confronter les points de vue. C’est la méthode originale du Forum Axe Seine. Sans tribune, cet espace de parole ouvert, sans protocole, permet une large expression des expertises et légitimités. Élus, syndicalistes, chercheurs, chefs d’entreprise, hauts fonctionnaires, étudiants peuvent ainsi échanger librement sans gommer les contradictions, mais avec l’envie de faire avancer un territoire stratégique.

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