— Votre région a beaucoup souffert de la désindustrialisation. Diriez-vous aujourd’hui que l’hémorragie est stoppée ?
Philippe Beauchamps : Oui, la désindustrialisation est stoppée depuis une quinzaine d’années, même si on a encore des difficultés dans le domaine de la métallurgie. On se bat pied à pied pour préserver chaque site industriel. Cela a été le cas il y a deux ans lorsque Renault voulait fermer l’usine de Maubeuge. Et finalement, la mobilisation des acteurs de la région a au contraire impulsé le démarrage du fait que les Hauts-de-France deviennent une région leader sur les gigafactories, les usines de batteries pour véhicules électriques. Pour lutter contre la désindustrialisation, il faut accompagner l’industrie dans l’innovation. L’automobile pour nous est un excellent exemple. Qu’on le veuille ou non, les chaînes de production de moteurs thermiques vont s’arrêter, et ce que l’on doit donc faire, c’est être leader sur les nouveaux modes de production, que ce soit l’électricité et certainement l’hydrogène à l’avenir.
— Quels sont vos arguments pour attirer les projets ?
PB : Nous avons plusieurs choses à vendre aux industriels pour qu’ils décident de s’implanter dans notre région. D’abord, le fait que l’on est dans une région de travailleurs, où l’on sait ce que le mot travail veut dire. Nous avons une main-d’œuvre encore prête à s’investir dans l’industrie, parce que les parents, les grands-parents travaillaient dans ces activités-là et que c’est souvent à regret qu’ils ont dû les quitter, du fait de la désindustrialisation dans le textile, la sidérurgie, les mines. De plus, nous avons mis en place des dispositifs d’aide au recrutement et à la formation comme le dispositif Proch’Emploi¹.
La deuxième chose, c’est que nous avons du foncier disponible. Nos friches industrielles, après avoir été un caillou dans la chaussure, deviennent un véritable atout puisqu’avec la loi Climat et Résilience, nous nous dirigeons vers l’arrêt de l’artificialisation des terres².
« Nous assistons à un retour du made in France dans le textile. »
— La filière textile semble en plein renouvellement ?
PB : La filière textile n’a pas complètement disparu. Il y a encore dans les Hauts-de-France quelque 15 000 salariés dans le textile-habillement-cuir. Certes, il y en avait 130 000 rien qu’à Roubaix autrefois ! Cette industrie textile qui continue à exister n’est pas à l’ancienne mode. Nous avons ainsi dans la région lilloise Dickson-Constant qui est spécialisé dans du textile technique extérieur, conçu pour résister à la pluie, au soleil… et qui vient de créer une deuxième usine dans notre région.
Nous assistons aussi à une volonté de suivre les nouveaux modes de consommation, en recréant du « made in France ». Par exemple, Safilin, présente à Sailly-sur-la-Lys, dans le Pas-de-Calais depuis la fin du XVIIIe siècle, avait délocalisé ses deux filatures de lin en Pologne à la fin des années 1990. Aujourd’hui, elle reprend une partie de sa production en France. Nous venons aussi d’inaugurer la Fashion Cube³, une usine qui refabrique des jeans en France, à Neuville-en-Ferrain, dans le Nord.