En occitan, L’Hospitalet signifie « le refuge ». Le village de L’Hospitalet-près-l’Andorre, à peine 100 habitants dans le sud de l’Ariège, porte bien son nom puisque depuis 2020 il accueille des mères seules et leurs enfants dans une nouvelle structure, la Maison des cimes. Une façon, aussi, de lutter contre le risque de fermeture de l’école, dans ce village qui a vu partir près de la moitié de ses habitants en quarante ans.
Ce projet est unique en France, par son implantation rurale, pour la durée des séjours (généralement 1 voire 2 ans) et pour ne pas être réservé aux femmes victimes de violences ou situations d’urgence. Ici, deux seuls critères : être une maman solo en situation de vulnérabilité sociale et économique, et avoir un à trois enfants, dont au moins un est âgé de 3 à 11 ans.
Des âges qui correspondent à l’école primaire, le projet étant né de discussions entre le maire, Arnaud Diaz, et les institutrices, tout le monde craignant que les classes du regroupement pédagogique intercommunal ne ferment faute d’effectifs suffisants.
“Ce sont elles qui ont amorcé la réflexion, il y a bien 10 ans. Au départ, elles avaient pensé à un internat pour enfants en difficulté. On a fait une étude, et on s’est rendu compte qu’il y avait de vrais besoins pour l’accueil de femmes seules. Ça correspondait à la volonté du village, donc on est parti là-dessus”, raconte Arnaud Diaz, élu en 2008 et plus jeune maire du département.
Une expérimentation inédite en zone rurale
Le projet a mis huit ans à se concrétiser. Pour l’édile, “le plus long a été de convaincre tous les partenaires [collectivités territoriales, Caf, etc. NDLR], surtout les services de l’État”, dont le ministère du logement qui a accordé une expérimentation de 3 ans, puisqu’il s’agissait d’un concept totalement nouveau, surtout dans un village. Il a aussi fallu du temps pour réhabiliter deux bâtiments contigus en plein cœur de village perché à 1400 m d’altitude.
Depuis janvier 2020, les premières résidentes et leurs enfants ont pu poser leurs bagages dans les six appartements aménagés dans les étages de cette bâtisse en pierres, contre un loyer entre 50 et 100 € mensuel après aides au logement.
Les cimes pour se reconstruire
Avec vue sur les Pyrénées enneigées, et à une heure de transport des villes, le contraste est total avec les métropoles où on trouve d’habitude les résidences d’accueil. Mais cette localisation peut être aussi un atout du projet, permettant aux femmes de prendre du recul pour repenser leur projet de vie, professionnelle et familiale. C’est là l’un des principaux objectifs de leur séjour à L’Hospitalet. Pour cela et pour toutes les difficultés du quotidien, elles sont accompagnées par des professionnels du champ social, salariés de l’association à qui la municipalité a confié la gestion de la Maison des cimes.
Au rez-de-chaussée, dans les différentes salles communes, l’accompagnement est global : aide aux devoirs, repas partagés, démarches médicales et juridiques, préparation des rendez-vous à Pôle emploi, etc. Pour du soutien psychologique aussi, parce que même si ce n’est pas la vocation unique de ce lieu, dans les faits toutes les femmes résidentes ont été victimes de violences.
Un nouveau statut mieux fléché dès 2023
L’expérimentation de trois ans sur laquelle repose le projet s’achèvera fin 2022, mais la municipalité hospitaloise a déjà acté la poursuite du projet, lors du dernier conseil municipal en février dernier.
“Nous avons demandé au ministère d’avoir le statut de maison-relais, annonce Arnaud Diaz. C’est en bonne voie. Cela va simplifier les choses car ce type de résidence sociale est bien reconnu, nous n’aurons plus besoin de batailler pour chaque demande de financement, et ceux-ci seront plus importants. Actuellement, l’État verse 35 000 € par an, cela pourrait passer à 105 000 €. De quoi permettre un meilleur accompagnement de ces familles.”
Une dynamique pour le village
« Cela a redonné aux Hospitalois le sentiment que le village peut avoir une utilité. »Arnaud Diaz, maire de L’Hospitalet-près-l’Andorre
En effet, la Maison des cimes inclut un espace de vie sociale, soutenu par la Caf, ouvert à tous les habitants. Y sont proposés de l’aide au numérique, aux démarches administratives, mais aussi des sorties communes au ski ou encore un jardin et un poulailler partagé. De quoi redonner vie à ce petit village, le plus en altitude de l’Ariège.
“De la part de la population, l’accueil a été bon. Une minorité des habitants émettait quelques craintes avant le démarrage du projet, et ça s’est très bien passé. Il y a eu de la bienveillance des deux côtés. Et surtout, cela a redonné aux Hospitalois le sentiment que le village peut avoir une utilité. L’image des villages de montagne, c’est trop souvent d’être soit touristique, soit inutile. Là, il y a une certaine fierté d’avoir lancé un modèle de Maison des cimes qui n’existait pas ailleurs. ça donne du peps. Et cela a recréé du lien entre les générations”, se félicite Arnaud Diaz.
Un modèle « applicable partout » en zone rurale
Le maire encourage désormais d’autres communes rurales à dupliquer le modèle. Il échange régulièrement avec deux villages, de l’Aveyron et de Saône-et-Loire. “Cela peut être applicable partout, avec ou sans moyens financiers, assure-t-il. Il faut juste une école, et l’appui des partenaires locaux (Département, Caf, communauté de communes si elle a la compétence enfance-jeunesse,…). […] En obtenant le statut de maison-relais, on facilite la reproduction du projet ailleurs. En six mois, le projet peut être monté, et pas une dizaine d’années comme nous.”
Lors du dernier conseil municipal en février dernier, les élus hospitalois déclaraient que “la Maison des cimes porte l’essence même de nos valeurs : une protection, une mise à l’abri par un accès à un logement digne”. Le village porte décidément bien son nom.