Articles divers, ENTRETIEN

La modélisation numérique des territoires un nouvel atout face à l'urgence écologique

La rédaction
La rédaction
Publié le 24 décembre 2021

Par Gilles PENNEQUIN Directeur de projets au Cerema

Le volume de données stockées dans le monde devrait passer de 33 milliards de téraoctets en 2018 à 175 milliards en 2025, du fait notamment de l’explosion de l’internet des objets. Ces données constituent un moteur puissant pour la croissance économique mondiale, grâce à la création de nouveaux services. Mais elles ouvrent également un vaste espace d’investigation pour mieux appréhender les enjeux des territoires, notamment grâce à la modélisation numérique et la création d’outils capables de prédire les impacts des projets d’aménagement. Avec un risque : celui de voir la décision des experts se substituer à la décision politique et déprécier le fait démocratique.

Ces dernières décennies, la mise au point de modèles numériques nous a permis de réaliser des choses jusqu’ici inconcevables. Grâce à eux, les experts du GIEC, par exemple, ont pu mettre en évidence, de manière indiscutable, l’urgence climatique et ses conséquences sur l’humanité, si rien n’est entrepris d’ici dix ou vingt ans. Dans notre champ d’action, les algorithmes permettent désormais d’éclairer et de guider efficacement les autorités nationales et locales, en faveur d’un « ménagement » de nos territoires. Cela grâce à une estimation précise des impacts positifs ou négatifs, présents et futurs, des projets d’aménagement et de développement économique ; au regard des émissions de GES (gaz à effet de serre, NDLR) produites et de la dégradation potentiellement irréversible de la nature.
Dans cette dynamique, le Cerema (bras armé technique du ministère de la Transition écologique et du ministère de la Cohésion des territoires et des collectivités territoriales) se mobilise auprès de ses tutelles, pour construire en quelques années, des jumeaux numériques des territoires : véritables copies virtuelles de la France qui permettent de visualiser un territoire depuis son sous-sol jusqu’à son espace aérien. Clones numériques à partir desquels il sera possible de décrire, à toute échelle territoriale ou administrative, des écosystèmes locaux et y reconstituer finement leurs métabolismes présents et futurs, en fonction des projets qui y seront conduits.

Ces outils, par leur efficacité prédictive, sont une chance ; ils permettront d’éviter des projets qui, pour paraître séduisants sur le papier, s’avéreraient dévastateurs dans le réel. Pour autant, ils peuvent également susciter une crainte légitime : la décision des experts et des techniciens ne viendra-t-elle pas, à terme, se substituer à la décision politique, se soustrayant ainsi au jeu démocratique ? Question qui en soulève immédiatement une autre qui plaide en sa faveur : demain, nos décideurs politiques pourront-ils encore être considérés comme non responsables, face à des catastrophes annoncées, puisque décrites par des modélisations prédictives ?

Pour illustrer le propos à l’appui des travaux du GIEC, les simulateurs disponibles sur le net donnent à voir les niveaux probables de submersion de nos territoires dans 10, 20, 50 ou 100 ans. On peut y constater que certains territoires français seront rapidement soumis à des submersions d’abord temporaires, avant de devenir définitives d’ici quelques décennies. Face à ce type d’information désormais accessible au plus grand nombre, les décideurs et investisseurs locaux ont l’impérative obligation de prendre la mesure des bouleversements à venir sur leurs littoraux et d’adapter leurs stratégies d’aménagement. Faute de quoi, ils seront considérés comme responsables de ne pas avoir agi, alors qu’ils savaient ou pouvaient aisément savoir.
L’inspiration politique réserve cet article à ses abonnés, mais serait ravie de vous compter parmi eux.
Rejoignez une aventure éditoriale
libre et inspirante

ça peut vous intéresser

Innovation

Dans cette ville américaine, l'identité francophone est bien ancrée. Elle veut faire encore plus avec un bureau...

Innovation

Le 30 décembre 2025, l'opérateur traditionnel PostNord arrêtera la distribution des lettres pour ne livrer que les colis. Avec une incertitude sur le sort des 5 % de la population...

Innovation

Tu jettes, tu paies… La ville a instauré un principe clair pour réduire les déchets. Elle mise également sur le recyclage....

Innovation

La ville populaire de Seine-Saint-Denis crée un dispositif d’aide aux jeunes familles monoparentales. Grâce à un accompagnement global et à un complément de ressources, l’objectif est de sortir les destinataires...

Innovation

Dès 2027, Lyon pourrait offrir à ses habitants la possibilité de se baigner en pleine ville. Deux bassins démontables devraient voir le jour dans la darse de la Confluence, sous...

Innovation

L’Établissement Public Territorial a enregistré une hausse de 30 % des inscriptions dans ses bibliothèques entre 2021 et 2024. Le résultat d’une politique de longue haleine qui touche tous les...

Innovation

La commune du Val-d’Oise a fait appel à un street artiste pour embellir la palissade masquant le chantier de réhabilitation d’un de ses édifices les plus emblématiques. Un autre artiste...

Innovation

Marseille expérimente une application destinée à faciliter les déplacements des personnes à mobilité réduite. Elle s'adresse autant aux habitants qu'aux touristes et recense 400 lieux testés par les contributeurs....

Innovation

Depuis 2022, les remparts de Langres (Haute-Marne) font l’objet d’une importante rénovation. Elle s’achèvera en 2028 avec pour objectif de rendre toute leur splendeur à ces joyaux du patrimoine, témoins...

Innovation

À Nevers, des travaux de sécurité obligent à abattre plusieurs spécimens en bord de Loire. La ville transforme leur bois en mobilier urbain et sculptures....

Innovation

Depuis 2022, la capitale de la Loire-Atlantique déploie dans ses quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) un programme de construction ou d’aménagement de maison de santé. Elle...

NE PERDEZ PAS L’INSPIRATION,

ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER

Votre adresse de messagerie est uniquement utilisée pour vous envoyer les lettres d’information de la société Innomédias. Vous pouvez à tout moment utiliser le lien de désabonnement intégré dans la lettre d’information.
En savoir plus sur la gestion de vos données personnelles et vos droits