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ÉNERGIE ET ENVIRONNEMENT : FRÈRES ENNEMIS ?

La rédaction
La rédaction
Publié le 10 décembre 2021

Pour se développer, les enfants ont besoin d’amour, d’alimentation… et d’énergie. Aujourd’hui, 700 millions de personnes n’ont pas accès à l’électricité et la population mondiale aura augmenté de deux milliards d’individus en 2050. Comment, dès lors, concilier l’urgence de la préservation de notre environnement et l’accès pour tous à la dignité énergétique ? Tour d’horizon d’un débat qui va s’intensifier au rythme des dérèglements climatiques.

Six ans après l’accord de Paris, triomphalement signé en 2015, le monde est à nouveau penché au chevet de la planète à l’occasion de la COP 26 organisée début octobre en Écosse. Une énième occasion de constater que l’état de santé du patient se détériore et que les remèdes ne sont pas à la hauteur.

Le réchauffement du climat ne cesse de s’accélérer selon le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) publié en août. La température de la planète devrait augmenter de 1,5° dès 2030, soit dix ans plus tôt qu’annoncé par le précédent rapport. Et jusqu’à 5,7° selon le pire des cinq scénarios retenus par le Giec.

Sans réaction rapide et forte, prévient le groupe d’experts, les conséquences seraient « irréversibles pour des siècles ou des millénaires. » Or, révèle un rapport de l’ONU, les engagements actuels des États sont insuffisants ; ils mettent la planète sur la trajectoire d’un réchauffement de 2,7° C.

Giec
Cérémonie d’ouverture de session 2020 du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).

L’énergie, premier responsable de l’effet de serre

C’est le secteur de l’énergie qui devra faire l’essentiel de l’effort. Les premières responsables du dérèglement climatique sont les énergies fossiles (charbon, gaz, pétrole) qui représentent encore les deux tiers des émissions de gaz carbonique (CO2), l’agent principal des gaz à effet de serre.

L’Agence internationale de l’énergie (AIE), qui était à l’origine un lobby de l’industrie pétrolière, se convertit petit à petit aux énergies renouvelables. Elle a publié en mai dernier une feuille de route très ambitieuse contre les émissions de dioxyde de carbone afin d’obtenir un bilan mondial des émissions nettes à zéro en 2050.

L’objectif de neutralité carbone en 2050 est-il réaliste ?

Pour que son scénario se réalise, l’AIE mise sur le fait que près de 90 % de l’électricité sera alors produite par des énergies renouvelables — hydraulique, éolienne et surtout solaire —, le nucléaire complétant le tout.

Faith Birol, à la tête de l’Agence internationale de l’énergie.

Pour ce faire, l’institution internationale exige la fin immédiate de tout investissement pour les combustibles fossiles.

Un oukase difficile à respecter malgré l’engagement récent des pays du G7 de ne plus financer de centrales à charbon, car plus de 400 projets de développement de mines de charbon sont en cours en Chine, en Inde, en Russie, en Australie, etc.

Et, s’ils ont mis de l’eau, du vent et du soleil dans leurs activités, les pétroliers et les gaziers ont encore le goût de la prospection et de l’exploitation pour maintenir la prospérité du secteur des hydrocarbures.

Certes, la part des fossiles stagne dans la consommation mondiale d’énergie (environ 80%) tandis que celle des renouvelables est passée de 8,7% à 11,2% depuis 2009. Une évolution encore timide mais qui s’accélèrera de facto pour des raisons économiques selon certains observateurs comme Jeremy Rifkin.

Dans son livre Le New Deal vert mondial (Éditions Les Liens qui Libèrent), l’économiste américain estime que « le marché agira comme une force puissante » contre « la civilisation des carburants fossiles » moins rentables que l’éolien et le solaire. Il imagine un basculement dès 2028.

Miser uniquement sur les prix du marché est insuffisant, répondent les acteurs des énergies renouvelables, qui réclament la mise en place au niveau international d’une valorisation des émissions de CO2 par des taxes carbone, des quotas ou autres mécanismes.

« Les énergies renouvelables sont devenues plus compétitives, mais en dehors d’outils de financement, elles auront du mal à s’imposer vis-à-vis de fossiles amortissables dans des durées plus courtes », résume Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER). L’idée est en discussion à Bruxelles où le débat n’en est qu’aux prémices. 

Les énergies renouvelables, une panacée ?

Pour l’AIE, le soleil sera roi. C’est lui qui fera tomber le pétrole de son trône, car cette énergie inépuisable, techniquement simple à mettre en œuvre, économiquement la plus compétitive, est largement accessible partout sur le globe. Mais comme l’énergie éolienne, elle a le défaut d’être variable, donc difficilement pilotable tant que les questions de stockage de l’électricité ne seront pas résolues.

La faible densité énergétique des renouvelables est pointée du doigt par leurs détracteurs en comparaison d’un nucléaire mobilisable et régulable 24h/24.

« On n’a jamais connu un grand pays industriel sans énergie pilotable », plaide Valérie Faudon, porte-parole de la Société française d’énergie nucléaire (Sfen).

Les limites du stockage et des ressources disponibles

L’argument est balayé par le physicien américain Amory Lovins pour qui aucun moyen de production n’est disponible et fiable en permanence. Pas même les centrales thermiques ou nucléaires qui, selon le militant écologiste, « sont fermées 10 à 12% du temps. »

Au-delà du coûteux stockage par les batteries, il pense que le réseau peut compenser l’intermittence en combinant les différentes sources d’énergie entre elles.

Pour Jean-Louis Bal, «l’hydroélectricité, dont la vertu est d’être stockée sous forme de réservoirs d’eau, peut servir d’outil de flexibilité de l’ensemble du système électrique. »

Une électricité produite à 100% par les renouvelables, c’est techniquement possible. Mais dans la réalité, il faudrait implanter tellement de champs d’éoliennes et de parcs photovoltaïques un peu partout pour remplacer les fossiles que beaucoup de spécialistes redoutent un problème d’acceptabilité par les populations.

À lire également dans l’Inspiration politique

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Mais surtout une tension sur les emprises foncières et sur les ressources minières. Outre le béton, l’acier et les plastiques composites, les infrastructures sont gourmandes en minéraux et en métaux (fer, cuivre, platine, lithium, cobalt, etc.). Qu’ils soient rares ou pas, les réserves ne sont pas inépuisables.

Quel avenir pour le nucléaire ?

En ce début d’année 2021, environs 440 réacteurs nucléaires sont en activité dans le monde, produisant 10,3% de l’électricité. Dans son scénario, l’AIE estime que, dans trente ans, le nucléaire restera une énergie de complément limitée à 10 ou 11% de la production mondiale. Mais du fait que la demande d’électricité aura doublé d’ici à 2050, de nouvelles centrales nucléaires devront sortir de terre.

Plus propres, plus sûres ? Après les traumatismes de Tchernobyl et Fukushima, c’est sur la sûreté, mais aussi la gestion des déchets et la rentabilité de la filière, que travaillent tous les bureaux de R&D en nucléaire. Malgré quelques avancées en laboratoire, le procédé de la fusion ne sera maîtrisé qu’après l’échéance de 2050.

« Notre avenir énergétique et écologique passe par le nucléaire. »
Emmanuel Macron, fin 2020

Au-delà de la technologie actuelle des EPR, la recherche se concentre sur des mini-réacteurs modulaires. Et la tendance est d’allonger la durée de vie des centrales existantes, parfois jusqu’à plus de 80 ans aux États-Unis.

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