Si la jeunesse du XXI ème siècle ne croit plus en la politique pour changer la vie, son engagement ne se dément pas, mais priorité est donnée aux actions locales, souvent en relation avec l’environnement. Sécession politique durable, ou passagère ? Nous avons interrogé les jeunes dans un grand reportage, au travers d’un sondage et nous sommes allés voir ce qui se passait ailleurs en Europe… Quelques pistes se dégagent pour réconcilier la jeunesse et la politique.
TOUS LES ARTICLES DU DOSSIER :
François Alla : « l’égalité aux soins fait partie du pacte républicain »
François Alla est praticien hospitalier au CHU de Bordeaux et professeur de santé publique à l’Université de Bordeaux. Il est président de la Conférence régionale de santé et de l’autonomie de Nouvelle-Aquitaine. Parmi ses ouvrages : Santé publique année zéro, avec Barbara Stiegler (Tracts Gallimard), La recherche interventionnelle en santé des populations. Concepts, méthodes, applications, avec Linda Cambon et Valery Ridde. (IRD Éditions).
Des solutions transitoires à trouver au-delà des frontières
Face à la désertification médicale, d'autres solutions existent et elles viennent d’ailleurs, portées par des médecins formés à l’étranger. Alors que la France est confrontée à une crise sans précédent dans ses hôpitaux et ses territoires désertifiés, ces praticiens venus du monde entier apparaissent comme une réponse immédiate. Mais leur accueil soulève autant de questions qu’il n’apporte de répit.
Une piste est déjà empruntée depuis plusieurs années : celle des PADHUE, ces médecins déjà présents sur le territoire français, mais souvent relégués à des statuts précaires, en attente d’intégration pleine et entière dans le système de santé. Ces médecins ont appris notre langue, accepté des conditions de travail dégradées. Et pourtant, ils restent sur le banc de touche. Bloqués dans des statuts précaires, des contrats d’intérim, des postes sous-payés, des parcours kafkaïens de validation de diplôme.
La fin du numerus clausus en médecine ne se traduira pas avant de longues années dans les effectifs de médecins. Ces solutions alternatives sont donc des solutions d'urgence, provisoires.
La fin du numerus clausus en médecine ne se traduira pas avant de longues années dans les effectifs de médecins. Ces solutions alternatives sont donc des solutions d'urgence, provisoires, et bienvenues pour des milliers de patients qui ne parviennent plus à accéder aux soins. Mais elles ne sont que provisoires, et n'exonèrent pas d'un débat et de décisions politiques à la hauteur du système de santé français.
Les PADHUE pour relancer les hôpitaux ? Le cas alésien
Ces médecins formés hors de l'Union européenne sont plus de 19 000 à travailler en France. Au prix d'un statut précaire, et sans garanties d'installation définitive. Ils peuvent pourtant jouer un rôle de premier plan face à la désertification.
Les PADHUE sont des praticiens diplômés hors Union européenne. Ils représentent déjà 8 % des médecins en activité en France, selon l'Ordre des Médecins. Au 1er janvier 2025, ils sont 19 154 à être inscrits au tableau de l'Ordre, dont 15 972 en activité régulière. La région Île-de-France concentre une part significative de ces praticiens : 38,3 % des anciens PADHUE y exercent, avec des proportions particulièrement élevées en Seine-Saint-Denis (21 %), dans le Val-de-Marne (16 %) et à Paris (6,7 %). La grande majorité d'entre eux est originaire du Maghreb, mais aussi d'Afrique subsaharienne, du Proche-Orient et d'Europe de l'Est.
Avant d'y parvenir, le parcours de ces médecins repose sur trois étapes : la réussite aux épreuves de vérification des connaissances (EVC), la validation d’un parcours de consolidation des compétences (PCC) en hôpital, puis la délivrance d’une autorisation individuelle d’exercice par le ministère de la Santé. Pour les premiers concernés, c'est loin d'être aussi simple que sur le papier. Leur trajectoire est parfois qualifiée de véritable chemin de croix…
Pourtant, leur rôle dans le fonctionnement, voire la relance de certains hôpitaux, est très loin d'être marginal, comme en témoigne Christian Cataldo, directeur du centre hospitalier d'Alès (Gard). Un établissement qui couvre un bassin de vie de 138 000 habitants, qui a reçu en 2024 plus de 50 000 visites à ses urgences et qui a compté 136 490 journées et venues d’hospitalisation.
« Plusieurs...
Vers une nouvelle gouvernance de la santé ?
Avec 6 millions de Français sans médecin traitant et 87 % du territoire classé en zone de désert médical, la France a du mal à faire face à ses fractures sanitaires. Le « Pacte Bayrou » présenté fin mai promet une révolution : améliorer l’accès aux soins avec 50 millions de consultations supplémentaires, former plus et renforcer les coopérations entre soignants. Il ambitionne encore d’instaurer des obligations territoriales : deux jours par mois en zones rouges pour les médecins et pour les internes de passer en zones sous-denses. Ces mesures sont déjà largement contestées, à commencer par les internes et les professionnels de la santé. Plus encore, elles doivent passer l’épreuve du réel, leur efficacité dépendant moins de leur annonce que de leur ancrage territorial concret. Or justement, face à l’urgence sanitaire, les collectivités locales, bien qu’ayant peu de compétences en matière de santé, multiplient les initiatives.
Innovation, prévention et service public
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Du Lot à la Meuse, ces initiatives qui font la différence
La région Occitanie invente le service public régional de santé
« Avec Ma Région, la Santé, nous avons su affirmer une volonté politique forte, conjuguant proximité, efficacité et lutte contre les inégalités d’accès aux soins », explique Vincent Bounès, vice-président de la région Occitanie en charge de la santé et de la lutte contre les déserts médicaux. C’est d’ailleurs autour de ce projet de centres de santé que Carole Delga a convaincu le chef de service du SAMU régional de s’engager comme élu.
Le dispositif repose sur l’embauche directe de médecins généralistes, spécialistes, sages-femmes, infirmiers et assistants médicaux au sein d’un service public régional de santé. Il s’appuie sur un groupement régional associant collectivités, universités, ordres professionnels et internes, garantissant un fort ancrage territorial. Aujourd’hui, près de 100 médecins exercent dans 22 centres de santé (bientôt 23), implantés dans des zones en tension. Ils y assurent une médecine générale de premier recours, incluant des visites à domicile (10 % des actes), particulièrement en milieu rural.
Le montage financier repose majoritairement sur la prise en charge des actes par la Sécurité sociale (environ 75 % des recettes), complétée par des subventions à l’installation. L’investissement initial pour les locaux et les équipements est financé via une coopération entre la région, l’État et les collectivités locales. Les conseils départementaux du Tarn, de la Haute-Garonne et des Pyrénées-Orientales sont déjà associés au projet, et l’Ariège apporte également son soutien spécifique. Au total, onze des treize départements d’Occitanie sont ainsi concernés. Les communes sont également impliquées, ce qui témoigne d’une implantation forte sur l’ensemble du territoire.
« Même si les centres sont déficitaires au départ, l’équilibre financier est atteint en trois à quatre ans, grâce aux économies d’échelle », rappelle le Vincent Bounès. « La région y consacre 2 à 3 millions d’euros par an, essentiellement pour permettre l’ouverture de nouveaux centres. » Avec 350 000 consultations réalisées, la démonstration de l’utilité de l’initiative est désormais faite.
e-Meuse santé : l’innovation au service des territoires
Lancée en 2019, e-Meuse santé est une plateforme d’expérimentation en santé, soutenue par l’État via le programme « Territoires d’innovation ». Elle réunit plus de 40 partenaires (collectivités, ARS, Assurance maladie, universités, associations d’usagers…) autour d’une ambition commune : tester des solutions innovantes en santé dans la Meuse, la Meurthe-et-Moselle et la Haute-Marne. L’innovation numérique y tient une place centrale, mais les expérimentations portent aussi sur l’organisation, la coordination et les modèles économiques. Ouverte aux professionnels de santé, la plateforme permet de coconstruire et d’évaluer des dispositifs au plus près des besoins des territoires, avec l'appui de l’Université de...
Frédéric Dabi : « l’accès aux soins est devenu un enjeu électoral »
— Aujourd’hui, à quel niveau se situe la question de l’accès aux soins dans les préoccupations des Français ?
Frédéric Dabi : La santé est la première préoccupation des Français depuis 2019, bien avant le Covid. Ce basculement a été provoqué par la grève des urgences, qui a révélé aux yeux de tous la fragilité de l’hôpital.
Quand ils parlent du déclin du pays, les Français pointent deux institutions : l’école et l’hôpital. Et au cœur de cette inquiétude sanitaire, c’est l’accès aux soins qui revient le plus fortement — parfois même davantage que l’hôpital lui-même.
Ce sujet est omniprésent, dans toutes nos enquêtes, locales comme nationales. Et il casse une idée reçue : non, tout ne va pas bien dans les grandes villes, et non, seuls les territoires ruraux ne sont pas en difficulté. Il n’y a pas une ruralité, mais des réalités très diverses. On a vu par exemple des médecins envoyés par avion de Dijon à Auxerre. À l’inverse, certaines métropoles sont en grande tension.
Les problèmes sont souvent les mêmes partout : trouver un généraliste, obtenir...
Des maires aux prises avec la pénurie…
“ Un divorce et deux médecins disparaissent…”
Gilles Noël
maire de Varzy (1 061 habitants), dans la Nièvre et vice-président de l’Association des Maires ruraux de France
Le couple de médecins qui exerçait à Varzy a divorcé et ils sont partis chacun de leur côté depuis mai 2022. Heureusement, la solidarité entre territoires joue ! Les médecins du chef-lieu d’arrondissement, Clamecy, ont accepté de prendre de nouveaux patients jusqu’au 1er septembre 2025. À cette date, nous aurons l’arrivée d’une médecin, ainsi que d’une assistante médicale, qui va s’installer dans le Pôle de santé, géré par l’Intercommunalité où exercent un kiné, des infirmières, un ostéopathe, une antenne du Centre médico-psychologique (CMP)… La situation dans le village va donc s’améliorer, mais après trois ans de détérioration.
Telle est la réalité du milieu rural. Une année tout va bien, et l’année d’après tout peut s’écrouler. Le maire est donc constamment sur les braises pour faire en sorte que ses concitoyens trouvent une réponse appropriée et le moins loin possible. C’est compliqué, notamment pour les spécialistes. Nous avons la chance d’avoir un centre hospitalier de proximité à 15 km de Varzy, avec un service d’urgences et un SMUR. Néanmoins, la situation n’est pas florissante. Bien que nous ne soyons pas dans un désert médical, il y a quelquefois des manques. Cela est dû notamment à l’attraction qu’exerce Varzy – avec une pharmacie, un supermarché, une clinique vétérinaire, un notaire, la gendarmerie… – sur une douzaine de villages alentour et leurs habitants.
Au niveau du département, la situation est complètement variable selon les bassins de vie. À Luzy par exemple, dans le sud du département, une organisation territoriale s’est mise en place qui fonctionne bien. Mais rien n’est jamais acquis.Au niveau national, les inégalités d’accès aux soins sont criantes et cela ne s’arrange pas. Pour l'Association des Maires ruraux de France (AMRF), l’État, qui a la compétence santé, doit reprendre la main sur ces questions. Certes, les collectivités territoriales essaient de trouver des solutions. Mais cela reste limité et implique qu’on utilise les finances des collectivités...